Économie, santé, environnement, social… Notre alimentation et nos systèmes de production alimentaires ont des conséquences dans de multiples domaines et semblent, plus que jamais, au cœur des préoccupations dans notre cuvette grenobloise.
Éric Piolle aime le rappeler dès qu’il en a l’occasion : dans les cantines grenobloises, on propose un à deux repas végétariens par semaine et 60% de la nourriture est bio et/ou locale. Ici, c’est un peu la mesure emblématique lorsqu’on parle de transition alimentaire. « À Grenoble, il y a encore du boulot mais on a de la chance d’habiter un territoire qui réfléchit depuis longtemps à ce genre de problématiques. On a déjà un bon terreau associatif et une société civile active », estime César Lechémia, chargé de projet de Cultivons Nos Toits.
Lui a fait de l’alimentation son cheval de bataille. Avec son association, il propose notamment de créer une agriculture urbaine en transformant les toits des immeubles ou des espaces de plaine en potagers participatifs. Autre projet d’envergure de l’asso, en collaboration avec le restaurant La Tête à l’envers et la brasserie Maltobar : le Bar Radis qui devrait voir le jour en 2022 dans l’écoquartier Flaubert. Une vaste terrasse panoramique de 2000 mètres carrés dédiée à l’alimentation et la culture, avec un potager, une serre, un espace de formation, une scène et un restaurant où l’on mangera donc, en grande partie, ce qui aura poussé sur le toit.
Pour César Lechémia, il s’agit de planter les bases du principe d’autonomie alimentaire : « Notre modèle actuel mondialisé est très vulnérable. Les territoires sont trop spécialisés en termes de production et on importe beaucoup trop de nourriture. On exporte aussi une grande partie qui ne servira donc pas à notre propre alimentation. Par exemple, ici, on vend nos noix et notre fromage mais c’est à peu près tout. Si, demain, on subit une grosse crise qui nécessite de couper les axes autoroutiers, comment ferons-nous ? Il faut se diversifier, développer le maraîchage et l’arboriculture, pour parvenir à un maximum d’autonomie. »
Vers une labellisation du ministère de l’Agriculture
Territorialiser et localiser l’alimentation semble être l’une des priorités de nombreux élus et responsables du coin puisque sept partenaires publics et parcs naturels régionaux (Grenoble, la Métro, les communautés de communes du Grésivaudan, du Trièves et du Pays Voironnais ainsi que les parcs de Chartreuse et du Vercors) présentent ensemble une candidature unique afin d’être reconnus comme “Projet alimentaire territorial”, une sorte de labellisation délivrée par le ministère de l’Agriculture qui « vise à donner un cadre stratégique et opérationnel à des actions partenariales répondant à des enjeux sociaux, environnementaux, économiques et de santé », peut-on lire sur le site officiel du ministère. Au sein du collectif Autonomie alimentaire, César Lechémia et son asso soutiennent le projet : « Cela permettra d’intégrer un réseau, d’aller chercher des financements plus facilement et, de façon plus générale, d’inciter les territoires à travailler sur ces questions. »
Des initiatives bienvenues à l’heure où la question écologique ne s’est jamais autant posée. Car agir sur l’alimentation, c’est influer sur de nombreux domaines. Et notamment, la pollution des sols et de l’air, liée à l’agriculture et à la grande distribution. « On assiste à une disparition critique de certains insectes et de nombreuses maladies sont aujourd’hui causées par notre alimentation. On est de plus en plus déconnecté de ce qu’on mange alors que c’est crucial. » Pour sensibiliser et éduquer la population à ce type de problématique, César Lechénal a une solution : le jardin. « C’est un outil-clé qui permet de créer du lien et de développer l’autonomie, c’est un véritable tampon. Quand on jardine, on change forcément de comportement alimentaire, on regarde mieux les étiquettes et on a tendance à bien plus cuisiner », constate le jeune homme.
La sécurité sociale alimentaire
Une alimentation saine, c’est bien, mais pour qui ? On le sait, les épiceries bio ne sont pas compatibles avec tous les portefeuilles… Heureusement, des initiatives existent aujourd’hui afin de rendre des produits locaux et bio accessibles à tous. On peut citer Au Local (voir encadré) mais aussi Episol, une épicerie solidaire et de qualité (80% de local, 20% de bio) dont les tarifs varient en fonction du quotient familial de chacun.
À plus grande échelle, l’association Ingénieurs sans frontières milite elle pour la création d’une sécurité sociale alimentaire, basée sur le même principe que notre chère sécu. Voici ce qu’ils en disaient, en février 2019, sur le site internet Bastamag : « La sécurité sociale de l’alimentation, c’est un budget de 150 euros par personne et par mois, réservé à l’achat d’aliments conventionnés. À l’échelle de la France, [cela] représenterait 120 milliards d’euros, soit moitié moins que l’assurance maladie, et pourrait être alimenté par des cotisations sociales à taux progressif, selon les revenus. Les critères de conventionnement seraient élaborés par les citoyens au niveau local au sein de caisses de sécurité sociale alimentaire. Un processus démocratique et inclusif permettrait aux habitants des territoires de décider des conditions d’éligibilité d’un aliment, en respectant les préférences alimentaires de tous, y compris des minorités. » À méditer…
Crédits photo : Léo Previtali
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