Et si la crise sanitaire que nous venons de traverser devenait pour la montagne une opportunité unique d’attirer les touristes ? L’imaginaire qu’elle véhicule est associé à l’air pur et aux grands espaces sauvages, et les Français ont une immense envie de nature. Conscientes de cette chance et jouant de leurs charmes, les destinations Montagne mènent des opérations séduction adaptées au contexte.
La Chartreuse prise d’assaut. Des routes et des parkings saturés de voitures et certains Maires du massif contraints de fermer l’accès à des départs de randonnées. Le week-end de l’ascension (du 21 au 24 mai) a été le révélateur des envies de nature et de grands espaces des citadins privés de sortie pendant 55 jours.
Tous les massifs à proximité des grandes agglomérations ont vu défiler des milliers de voitures. Une affluence rarement mesurée même en haute-saison touristique. La contrainte des 100 km a fait s’agglomérer les promeneurs dans les mêmes secteurs mais n’explique pas tout.
Depuis trois ans, la montagne est devenue la deuxième destination préférée des Français, derrière le littoral qui reste loin devant. Mais l’engouement s’est confirmé lors de l’annonce du déconfinement avec + 40% d’activité mesurée sur les sites internet par rapport à la même période l’année dernière.
Et il pourrait s’accentuer selon Jean-Marc Silva, directeur de France Montagnes, l'organisme chargé de faire la promotion des massifs français. « On risque d’avoir de nouveaux venus. Il faut les séduire. À nous de les convaincre que la montagne peut répondre à leur besoin de grands espaces » souligne-t-il dans une interview accordée à l’AFP. Et c’est le moment ou jamais, avec 40% de Français toujours indécis sur leur destination, selon une étude de Savoie Mont-Blanc Tourisme sur les intentions de départ post-confinement.
Une campagne nationale de publicité
Des envies de nature, des Français indécis : la montagne, pour séduire et capter les potentiels vacanciers, n’a plus qu’à mettre en avant ses atouts authentiques, ceux justement recherchés par les citadins après le confinement : reconnexion avec la nature et le terroir, resserrement des liens familiaux, proximité, simplicité, grands espaces.
Pour cela une grande campagne de communication à la télévision s’est préparée pour la mi-juin avec ce slogan : « La montagne tout naturellement ». D'un budget de 300.000 euros, elle a été financée de manière inédite par les six massifs français.
De leur côté, les stations mettent aussi au point leur propre stratégie pour mettre en avant leurs offres respectives. Cette année, les activités sportives et les loisirs sont moins valorisés au profit d’ambiances, de valeurs, d’expériences authentiques et salvatrices. Elles vantent leurs richesses naturelles, s’appuient sur l’imaginaire positif qui accompagne la montagne, véhiculé notamment par les voyageurs romantiques, Jean-Jacques Rousseau le premier.
La station de Serre-Chevalier par exemple, pourtant moins sensible aux aléas du changement climatique, a élaboré une solide campagne de séduction estivale avec l'ensemble des acteurs économiques de la vallée. L'axe de communication #NosRetrouvailles a été choisi et différents visuels propres à quatre thématiques prédominantes du territoire ont été élaborés, valorisant la nature, l'aventure, l'eau et la culture. Sur chacun des visuels, l'accent est mis sur le « consommer local », pour mettre en lumière les petits commerçants et les producteurs.
Courchevel propose de son côté de « rêver grandeur nature » et valorise ses (rares) espaces « préservés et vierges de tout équipement ».
La Chartreuse joue aussi la carte du retour aux sources et propose de « vivre des expériences simples, en pleine nature (…). Le massif de la Chartreuse est le lieu rêvé pour se reconnecter, non plus à Internet, mais à l’essentiel. »
L’Isère compte aussi transformer cette crise en opportunité. L’économie touristique, une des plus importantes du territoire, a été particulièrement impactée par la crise. Pour donner un nouvel élan au tourisme, l’agence Isère attractivité compte sur les atouts naturels du territoire - massifs montagneux, parcs naturels, lacs, cascades et rivières – mais voit aussi dans cette crise une « opportunité unique » selon Chantal Carlioz, la présidente de l’agence : « il va falloir modifier notre rapport avec la nature et repenser nos modes de vie. Nous devons réinventer un tourisme local, donner la priorité à un tourisme de solidarité, de proximité, de sécurité sanitaire, de parenthèse thérapeutique, qui fasse rêver. » Puisse cette sagesse perdurer dans le temps et inspirer nombre de territoires et d’acteurs économiques et touristiques.
Crédits photo : Serre-Chevalier - Vallée de Briançon
Laisser un commentaire