Dans l’univers de béton de Saint-Martin-d’Hères, se dresse une douce forteresse de bois aux toits pointus. Ces curieuses maisons s’empilent les unes à côté des autres (et les unes au-dessus des autres). Un geste architectural novateur.
Perçant le tissu urbain, le quartier de la Cerisaie est composé, le long de la piste cyclable, d’une enfilade de plusieurs petits bâtiments de bois : les toits sont pointus, la zinguerie de couleurs vives – rouge ou bleu – et la nature partout. Une vraie parenthèse de verdure à Saint-Martin-d’Hères. En effet, dans ce coin de l’agglomération, on ne voit que des bâtiments de béton hauts. Pourtant, entre l’avenue Ambroise-Croisat et l’avenue du Serment de Buchenwald, la Cerisaie est là, pensée et bâtie par l’architecte Serge Renaudie en 1985.
« Nous avons utilisé le concept de la maison, que je voulais tout en bois (de l’ossature aux murs). Elles se rentrent les unes dans les autres, et s’articulent autour d’une rue centrale qui permet d’accéder aux parkings », explique Serge Renaudie au téléphone. On se glisse dans la ruelle où se dévoilent des garages, cachés sous les maisons et surmontés d’une grande galerie qui permet d’accéder aux appartements.
Serge Renaudie souhaite répondre à la maison individuelle de lotissement, qui a envahi les périphéries. Il reprend donc le concept, avec des blocs de maisons aux toits pointus « qui se montent dessus ». Les habitations résultent de l’agglomération de plusieurs de ces « maisons » correspondant aux différentes pièces. Pour habiller ces maisons de bois, Serge Renaudie aurait aimé utiliser un bois local, mais il s’avère « impropre à la découpe », selon l’architecte qui sélectionne finalement, des essences de bois venues du Canada.
« C’est un très beau bois qui n’a, normalement, pas besoin de lasure. Comme Grenoble est dans une cuvette, la pollution stagne, et elle a commencé à salir le bois, avec l’apparition de lichen », explique Serge Renaudie, qui a vérifié l’intégrité de la structure. « Je me suis assuré que le bois n’est pas attaqué, avec des spécialistes. Malgré tout, les habitants ont insisté pour lasurer leur maison », assure l’architecte, déçu que l’unité colorée de son quartier soit moins parfaite.
En circulant dans les petites ruelles, on s’étonne de voir les cuisines au rez-de-chaussée. Puis, la verdure apparaît, dégoulinante partout : les jardins sont saturés, les oiseaux sont très nombreux à s’égayer dans les arbres. En effet, l’on compte 7 000 m2 d’habitations pour 5 300 m2 d’espaces verts.
Une architecture humaine
C’est en voyageant aux États-Unis que Serge Renaudie imagine ces maisons de bois : « C’est la construction dominante en Californie, alors que chez nous, on a le parpaing », se souvient-il. Alors qu’il est embauché pour un petit projet de 40 maisons (qui sont des logements sociaux ou en accession sociale), il réalise finalement 72 habitations, qu’il livre à la fin d’année 1992. Dans la cuvette, c’est la deuxième réalisation de l’architecte installé à Ivry-sur-Seine.
En effet, il a d’abord achevé le travail lancé par son père sur le quartier Renaudie, toujours à Saint-Martin-d’Hères. Le fils est revenu récemment à Grenoble pour voir son quartier de bois. Lorsqu’il passe à la Cerisaie, il rencontre un passant et explique être l’architecte.
En entendant le nom Renaudie, le passant questionne : « Mais, vous ne vous êtes pas suicidé ? » Car la rumeur court que Jean Renaudie, le père, se serait donné la mort voyant le (mauvais) résultat de son quartier de béton, traversé par l’avenue du 8-mai-1945. Il n’en est rien : « Mon père est décédé d’un cancer du poumon avant que les terrasses Renaudie soient achevées ». Au moins, cette fois c’est clair : les Renaudie ne regrettent rien.
Crédits photo : Jérémy Tronc
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