Avant Rome et la « civilisation », l’Homme a vécu en Isère dès 120 000 ans avant Jésus-Christ. Malgré les ères glaciaires, il a subsisté en laissant quelques restes archéologiques. Ces derniers ne peuvent que nous interroger sur notre propre legs souterrain.
Voilà des milliers d’années que les poils de l’Homme se couvrent de neige et de gel entre les pics isérois. Dans les grottes, on trouve des traces qui remontent à 120 000 ans av. J.-C.. Après une fraîche ère glaciaire qui éloigne les humains de -25 000 à -10 000 ans, ils reviennent, fringuants. C’est à cette époque que nos lointains ancêtres laissent, au pied de la Tour Sans Venin, non loin de Grenoble, de très nombreuses traces de leurs vies.
Nommé “abri de la Grande-Rivoire”, le lieu atteste d’une présence humaine près de Grenoble autour de 7920-7620 av. J.-C.. Normal, le massif du Vercors recèle de nombreuses ressources : pour la chasse, la cueillette ou des minéraux (comme le silex). Ainsi, l’abri dissimule des sédiments entassés sur cinq mètres et il y a de tout. Des restes d’animaux (comme les sangliers, les castors ou les bouquetins) sont mis au jour sur plusieurs périodes. D’importantes traces de productions humaines apparaissent également.
Différentes époques (Mésolithique, Néolithique, âge du Bronze et âge du Fer) sont présentées parmi les cinq mètres de déchets, et les nombreuses fouilles permettent de retrouver toujours plus d’objets : il y a des céramiques explosées dont on distingue avec peine les décors peints (datés du Néolithique moyen). Il y a, pour le Mésolithique récent (c’est-à-dire, 5000-6000 av. J.-C.), des outils de chasse, des pointes de flèches (nommées pointes de Sauveterre) ou encore des couteaux ou racloirs rudimentaires. Ces restes de l’activité humaine nous informent sur les modes de vie de l’époque : l’emploi du temps était chargé de chasse et de cueillette.
Des mines pour le ciment
D’une grotte à l’autre, transportons-nous à la Bastille, où se trouvent des traces humaines bien plus récentes.
Plusieurs siècles plus tard, la nourriture arrive en abondance dans le ventre des hommes qui s’intéressent au sous-sol. Désormais, ce n’est pas pour trouver un abri, mais bien pour exploiter le sol, qui abrite un trésor : le calcaire, qui entre dans la composition du ciment, une découverte du XIXe siècle. En 1842, l’exploitation de la Bastille commence, et les carriers de la Porte de France vont creuser, creuser… pour atteindre les 120 km de galeries.
Du haut de la Bastille, un téléphérique (dont il reste les pylônes de pierre, dressés fièrement au-dessus du fort), convoyait des tombereaux de calcaire à l’usine en contrebas, à Saint-Martin-le-Vinoux, sur la route de Lyon. Ce réseau ultra dense prend forme, et s’illustre sur différents sites internet de passionnés de l’exploration (lien en bas de l’article). La plupart des galeries sont abandonnées. En se rendant en direction du mont Rachais, au-dessus de la Bastille, on retrouve encore des traces disséminées dans la forêt, d’entrées de galeries souvent grillagées, parfois effondrées.
La radioactive
Reste une dernière grotte, qui, elle, est facilement accessible. Elle se trouve à la Bastille, plutôt du côté du musée dauphinois, avant d’atteindre les bâtiments universitaires abandonnés. Mise en cause il y a quelques années pour radioactivité, elle est ouverte aux quatre vents. En 2011, alors que l’institut de géologie ferme ses portes, il faut trouver un nouvel emplacement pour les pierres (dont certaines étaient naturellement radioactives) qui y étaient entreposées.
Face à cette collection pléthorique, l’université en charge de cette collection la laisse là, puis la déplace dans cette petite grotte. Aucun autre lieu ne pouvant récupérer les dizaines de milliers de pierres, l’Université Joseph Fourier, propriétaire des lieux, décide de les laisser là en attendant. Lors d’une visite en 2014, les journalistes du Postillon avaient découvert dans cette grotte « des combinaisons et des gants dans un tas de sacs » et « deux bidons l’un sur l’autre barré d’un “uranium” », ainsi qu’une très forte radioactivité.
Depuis, l’université aurait réparé « l’oubli ». Il reste qu’on peut se donner quelques frissons en parcourant les quelques mètres de galeries où sont toujours entreposés de nombreux échantillons de roches (sous forme de carotte, notamment). Sont-elles encore radioactives ? Logiquement non. Mais cette petite grotte dit beaucoup de notre rapport au sous-sol durant l’évolution de l’humanité. D’abord, il nous protège, puis l’Homme l’exploite, avant finalement de s’en servir pour nous protéger de nous-mêmes.
Infos pratiques
> http://tchorski.morkitu.org/1/grenoble.htm
> www.heritage-souterrain.fr/index.php?/category/34
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