Avant 1968, le rail grenoblois était bien différent. Le train pour Chambéry passait au niveau de la MC2 qui n’existait pas encore. Cet embranchement était très utilisé par les entreprises, qui ont depuis troqué les wagons contre des camions.
Sous le pont du boulevard Foch, on peut circuler en vélo sur la super piste cyclable jaune et vert. À cet endroit, les rails se scindent en deux groupes. Depuis cet aiguillage, la locomotive pouvait choisir entre deux directions. La première mène les voyageurs vers Veynes quand la seconde poursuit sa course le long de l’actuelle rue Léo-Lagrange.
Cette ligne Grenoble-Chambéry a longtemps desservi une multitude d’usines du sud grenoblois. Aujourd’hui, la piste cyclable s'étend et en suivant la rue, on longe l’ancienne usine Lou, qui fabriquait des sous-vêtements féminins haut de gamme. Cet emblème de l’industrie grenobloise (dont la création remonte aux années 1940) annonce une ère encore plus faste, qui prend forme au niveau du parc Flaubert.
C’est ici que les rails multiplient les dédoublements en direction des usines florissantes dans les années 1960. Aujourd’hui, le parc joue avec les lignes formées par les rails de train qui n’ont pas été démontées. Le long de la piste, on remarque ensuite l’imposant bâtiment de la Bifurk qui se dessine sur la droite, sur la rue Flaubert. On distingue encore les rails qui mènent à la cour de la Bifurk et aux actuels terrains de baskets.
L’ancêtre du lieu culturel était la première usine à être desservie par le train. Ici, on a longtemps fabriqué des fils pour les télécoms, qui partaient ensuite par wagons entiers. Il faut alors suivre cette piste. Car le rail de la Bifurk n’est qu’une composante d’un réseau dense, qui s’étend plus loin dans la rue Flaubert. Ainsi, les rails à semi-enfouis poursuivent leur course, jusqu’au terrain de l’ancien ferrailleur, installé le long de la rue Prosper-Mérimée, en face de la Bifurk.
La ligne de train se poursuit encore loin, et les bâtiments industriels semblent vides. Logiquement, le terrain est occupé par des personnes à la rue. Ainsi, des habitants roms se sont installés dans un village improvisé : les activités diverses — discussions, bricolages, musique —, animent désormais ce qui était le terrain d’un ferrailleur.
Plusieurs familles ont été évacuées ces derniers jours par des policiers lourdement armés. La ligne menant chez le ferrailleur est doublée d’une ligne qui longe le terrain par la gauche, et débouche cette fois à la rue Georges-Sand.
On passe alors entre des murs peints (plutôt séduisants), mais vite effacés par la présence de fils barbelés sur les murs. Là, les rails terminent leur course dans un mur, qui délimite une autre friche, bien plus grande que la première, celle de Point P.
Le magasin a été abandonné dans les années 2010. On poursuit encore notre course dans la rue Flaubert, et la ligne continue jusqu’au croisement avec la rue des Alliés. Entre temps, elle se dédouble pour approvisionner encore plusieurs autres bâtiments désormais anonymes ou abandonnés. La rue est partout en mauvais état, les rails tentant de se frayer un chemin à l’air libre. Les jours de pluie, on peut alors apprécier les voitures rouler dans les nids de poule, et provoquer des explosions d’eau.
La piste s’essouffle au niveau de la rue des Alliés. Le rail se fait rare. Pourtant, un dernier embranchement se poursuit et prend la direction du sud de Grenoble. Il faut alors descendre la rue Alfred-de-Vigny, qui recèle dans sa partie gauche, les dernières traces de rail.
Au niveau du magasin de stockage, deux lignes métalliques tracent, et s’élancent avant de disparaître définitivement dans le goudron. Cette ligne reliait Caterpillar à la ligne Grenoble-Chambéry dans une longue course au travers de quartier qui n’existait pas encore. Mais en 1968, tout change. Lorsque le contournement de la ville par Échirolles est achevé par la SNCF, une première voie est retirée dans la foulée, puis une seconde en 1975.
Il restera la desserte de la Capuche, qui sera utilisée pour la construction du tram A dans les années 1980. En revenant au niveau de la MC2, au croisement de la rue Flaubert et du boulevard Marcellin-Berthelot, l’une des lignes s’arrête là, face à un heurtoir blanc. Comme un dernier témoignage de cette histoire de train.
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