Loin d’être aussi réputée que sa sœur lyonnaise, la cité grenobloise a accueilli quelques cinéastes de talent. Récemment, le Grand Bain a montré à la France les beaux paysages (et la piscine olympique) de la cuvette. Mais pendant ces vingt dernières années, d’autres films au goût amer sont sortis.
Le train version années 2000 se dirige vers Grenoble. Les nuages bas et la pluie sont conformes à une matinée d’octobre. Les montagnes sont presque englouties par la grisaille, mais Bruno, le héros du film « Cavale » (2003) s’en moque.
Ce terroriste d'extrême gauche vient de s’échapper de prison, et les flics l’attendent en gare de Grenoble. Ce film, réalisé par Lucas Belvaux, fait partie d’un triptyque (auquel s’ajoute Un couple épatant et Après la vie) que l’auteur dédit à Grenoble.
Les personnages se croisent entre les films, et Bruno le héros de gauche tente de poursuivre la lutte armée. Un temps, il se choisit comme QG le garage hélicoïdal, et se trouve une alliée de choix : une droguée que les dealers évitent. Il échafaude son plan, tranquillement, derrière la porte de métal et fabrique une bombe composée d’un pain de plastique.
Sa cible : l’ancien Palais de justice, au centre-ville. Dans Cavale, l’ambiance est lourde et la pression sur le héros toujours plus forte. Contraint de marcher ou courir pour vivre, il finira sa course dans une dernière fuite en montagne, où il trouvera la mort.
Souci de jeunesse
Quelques années plus tôt, en 1999, c’est le regard de Jean-Pierre Améris, cinéaste lyonnais, qui se pose sur la ville avec le film Mauvaises fréquentation. Il choisit de filmer des jeunes gens à l’orée de l’adolescence, et logiquement, il s’intéresse aux premiers émois qui étreignent les jeunes filles bercées d’illusions sur l’amour et le sexe.
Au départ, les grands yeux innocents de Delphine, l’héroïne, séduisent le spectateur qui pourrait se croire dans un remake de la Boom. Mais l’œuvre est glaçante ; l’adolescence, loin d’être insouciante. Elle tombe amoureuse d’un garçon un peu bad boy et comme toute jeune fille, elle se torture en se demandant si l’amour est réciproque (spoiler alerte : c’est presque le cas).
Pourtant, le sujet est glauque, et la niaiserie disparait rapidement. Delphine est accompagnée d’Olivia (jouée par une Lou Doillon, 19 ans à l’époque censée en avoir 15) et traîne au sommet des trois tours. Face à un crépuscule apocalyptique, les deux amies se racontent leur galère et leur tristesse. Olivia évoque sa sœur, qui s’est suicidée il y a quelques années depuis cette même tour.
Là, le film vire au glauque. Le mec de Delphine, lassé par Grenoble, souhaite partir en vacances en Jamaïque. N’ayant pas le goût du travail, il finit par faire tapiner l’héroïne. S’ensuivent des scènes surréalistes, au jardin des Dauphins, où de jeunes garçons gênés défilent devant Delphine. Elle enchaîne les passes passivement.
Le célèbre site des mauvais films sympathiques Nanarland a même noté 1,5/5 cette « caricature aussi grossière qu’irrésistible » et conclue : c’est « un must pour tout Grenoblois : il n'y a aucune cohérence géographique et c'est jouissif. » Certes, ce film n’est pas resté dans les annales, mais il en reste une chanson, bel hommage à la fin de ce deuxième millénaire. « Where I’m Headed ».
Ce film, s’il n’y fait pas référence, résonne avec l’affaire des « filles de Grenoble ». Dans les années 1970, le réseau de prostitution est immense, et une prostituée, Nadia, osera balancer le système. C’est ce qu’a décidé d’illustrer Joël Le Moign’ en 1981 dans un film du même nom. Il se saisit du sujet avec un jeune André Dussolier en juge prêt à tout pour faire tomber un système d’oppression contre des centaines de jeunes femmes. Là aussi, le sujet du film n’est pas léger, mais le traitement est honnête, et témoigne d’un pan de l’histoire de la cuvette.
Enfin, cette année, c’est un film de Farid Bentoumi qui a été tourné. Le synopsis — Nour, embauchée comme infirmière du travail sur une usine chimique, découvre de nombreux mensonges sur les rejets polluants et maladies cachées des employés —, ne devrait pas mettre en avant une image très positive de Grenoble. Sans trop s’avancer, on imagine que les tuyauteries rouillées de la plateforme chimique de Pont-de-Claix ont dû être idéales comme décor.
JBA
Crédits photo : Jérémy Tronc
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