On prend soin de nos voitures comme de nos chevaux, au temps où l’animal était le plus sûr moyen de transport. Ainsi, depuis un peu moins d’un siècle, on construit de prestigieuses et dispendieuses cages à voitures. À Grenoble, où le sous-sol n’aime pas être dérangé, l’aventure en vaut le coût.
La voiture de sport vintage rougeoyante s’approche de l’entrée, sur la place de Verdun. Elle s’arrête devant la barrière d’entrée, puis fonce dans le sous-sol avant de se garer sur deux des 110 emplacements disponibles du parking.
L’anecdote donne le ton de ce garage calé sous la place de la Préfecture, l’un des plus coûteux de toute la ville. Construit sous l’ère Alain Carignon dans les années 1990 — qui n’en était pas à son coup d’essai sur les grands projets —, l’édification du parking part en vrille quand la Générale des Eaux chargée des travaux découvre des problèmes d’étanchéité.
La nappe phréatique affleure dans le sous-sol grenoblois, et construire un tel parking représente une petite folie. Un architecte nous expliquait d’ailleurs : « Sans un bâtiment au-dessus d’un parking souterrain, la pression de l’eau devrait le faire ressortir tel un bouchon de champagne. » Face à ce constat, le chantier est réduit de quatre à deux étages, et les prix explosent. À 11 000 000 € le parking pour 110 places, le calcul est vite fait.
Le vieux de la vieille
Il faut remonter en direction du Jardin de Ville pour découvrir dans un tout autre style le garage hélicoïdal. Construit dans les années trente, il est composé de 225 places. Pas bête, il s’élance sur sept étages et est logé dans le centre-ville. L’entrée est planquée dans une rue discrète et parfois, les portes sont ouvertes.
En semaine, un gardien s’enquerra de votre présence, mais laissera passer les visiteurs curieux et affables. Puis, il faut choisir : l’ascenseur ou la voie réservée aux voitures pour découvrir l’édifice à l’architecture monumentale. Surtout, une fois sur le toit, la vue panoramique sur les massifs vous absorbera, dans un silence où les moteurs se reposent. En redescendant, vous admirerez des toilettes turques et des lavabos.
Par contre, le garage (qui permettait des révisions fréquentes) ou encore la pompe à essence du parking ont disparu. Dans les pentes, désormais, on peut croiser un skateur s’amusant dans les virages de béton, ou une Tesla (ces voitures électriques au prix astronomique) se garant dans un des box, qui se monnaie 35 000 € environ. Quand une place se libère…
Le vide du stade
Les places, elles, ne manquent pas au Stade des Alpes. Quand il n’y a pas jour de match (320 jours par an quand même), il est instructif de se rendre dans les sous-sols du stade. Suivant la forme oblongue du bâtiment, le parking étale ses 480 places, habillées de couleurs primaires. À perte de vue, l’on ne voit que les emplacements vides, et cinq ou six voitures garées de façon éparse.
Dans l’une des guitounes, un technicien de surface recharge ses bidons avant de reprendre sa tâche : nettoyer le parking. Lors de la construction du stade (très contestée, avec l’occupation du chantier par des militants écologistes), là aussi les plans ont été revus.
Au départ, 1 000 places devaient permettre d’accueillir les voitures pour les 30 000 spectateurs. Les travaux avançant, le stade passe à 20 000 places assises et 480 places de parking. Malgré la réduction, l’horizon de ce parking sur un seul étage est bien vide.
À la fin, et hors taxe, la construction a coûté 9, 9 millions d’euros. Un ratio bien moindre que la Préfecture, avec une place de parking à 20 000 € pièce. Lorsqu’on y repasse pour faire des photos, un membre de la FIFA interdit l’accès. Au moins, jusqu’au 23 juin, il sera bien rempli par la Coupe du monde.
Crédits photo : Jérémy Tronc
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