Voilà cinq siècles qu’existe le palais du Parlement. Ses formes ont évolué drastiquement au cours des années, et aujourd’hui, le Département de l’Isère compte transformer certaines pièces en appartements, d’autres en musée.
Il faut grimper par un petit escalier en bois, étroit et poussiéreux, pour atteindre le deuxième étage et ses bureaux — les sous-pentes de la justice. C’est là, au palais du Parlement sis place Saint-André, qu’un siècle durant (jusqu’au nouveau millénaire), la justice s’est exercée dans le Dauphiné.
Aujourd’hui, le Département de l’Isère lance un projet pour transformer cet étage en appartement. Alors, avant les travaux, une visite s’imposait dans l’aile ouest du palais. Depuis 20 ans, les bureaux restent dans leur jus. Au sol, de la moquette vintage ou parfois un lino fade. Les couloirs et les salles laissent apparaître les murs courbes, suivant la ligne du toit. Là, une cloison rose passé accompagnée de baies vitrées floutées. Ici, un mur bleu ciel où est encastré un coffre-fort.
Dans un coin se trouve un bureau d’angle, sans doute celui d’un chef : sa vue donne plein sud, sur la collégiale. Non loin, en suivant un couloir beige, une pièce à trois fenêtres rectangulaires apparaît à droite. « On est au-dessus de la chapelle du XVIe siècle », raconte le gardien des clés, qui nous mène à travers le dédale parlementaire. Si l’on descend d’un étage, la chapelle surprend par ses beaux restes (notamment des statues). De l’extérieur, elle se remarque par la saillie sur la façade de l’édifice.
La justice au cœur
Le bâtiment est en effet curieusement fichu, de par ses origines. Le premier édifice doit apparaître autour de 1500, et prend un plan en équerre. Il accueille le Parlement (une cour de justice royale), mais aussi la Chambre des comptes (organe de contrôle financier du roi) et des geôles.
Le palais s’agrandit lors des siècles suivants, jusqu’au début du XIXe, cette fameuse chapelle est alors amputée d’une partie de ses travées par des travaux imprudents. La volonté locale est de classer le bâtiment comme « monuments historiques », et de sauver les vestiges des années passées.
Alors en mauvais état, il est entièrement reconstruit, en préservant les témoignages de l’histoire. Les pièces les plus impressionnantes ont conservé leurs boiseries finement ciselées, typiquement gothiques à l’image de la salle Jude. C’est ici que l’ancienne Chambre des comptes rendait ses décisions. La pièce fut détruite, mais les ornements démontés et dispersés dans le bâtiment.
Nouveau siècle
D’autres salles encore impressionnent. Parmi elles, la bibliothèque de la Cour d’appel, aux hauts plafonds tapissés (comme les couvertures des épais ouvrages) et aux rayons accessibles par une petite coursive.
Les Cours de justice sont elles aussi toujours splendides avec leur décorum de plafonds sculptés en bois, de cheminées, de parquets. De quoi rendre la justice plus solennelle encore. Il ne doit pas manquer de nostalgiques obligés d’aller à Europole. Eux n’ont pas oublié cette grandiloquence, cette opulence affichée qui contraste évidemment avec les sous-pentes du 2e, où les téléphones gris fin de siècle habillent une pièce au mur recouvert d’une tapisserie composée de cascades indolentes.
En sortant du palais, l’on traverse une petite cour avant d’atteindre le passage du tribunal de grande instance, donnant sur la place. Celle-ci était occupée par des vendeurs ambulants, et le passage ancien était ouvert. Chaque Grenoblois pouvait admirer les portraits des Dauphins en plâtre, et les plafonds nervurés. Face au mille-feuille historique du bâtiment, le défi pour redonner un nouveau souffle au palais — ce à quoi le Département s’emploie — est grand, et la réalisation se devra de durer un siècle au moins.
Crédits photo : JBA
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