Après 120 ans d’utilisation, l’ancien musée de peinture est définitivement remisé en 1993. Depuis, le monument vit aux rythmes des expos amateurs et de la Plateforme. Et il se dégrade un peu plus chaque année.
2 décembre 2017. Médiapart organise son événement « Que faire à gauche ? » sous les coupoles de la grande galerie de l’ancien musée de peinture de Grenoble. Son fondateur, Edwy Plenel, cache sous sa veste une doudoune toute grenobloise pour lutter contre le petit -3 °C qui refroidit la ville. En effet, le volume de l’édifice est un gouffre énergétique.
Alors, oui, en hiver, l’ancien musée se rapproche d’un frigo. Et en été, c’est l’inverse. « La plupart du temps, la grande galerie [que l’on connaît pour les expositions] est inanimée, exorbitante à chauffer, où les gardiens voulaient qu’on y mît les ouvrages les moins demandés, tant les trajets pour les atteindre étaient long et fatiguant », rapportait déjà l’auteur du livre Histoire générale des bibliothèques, qui s’est intéressé au musée-bibliothèque, à la fin du XIXe siècle.
Aujourd’hui, l’édifice est vide, ou presque. Seules les deux galeries sont utilisées, pour quelques expositions. Cependant, le bâtiment dispose de dizaines de pièces, toutes laissées à l’abandon. En effet, à l’origine, le musée-bibliothèque accueillait de nombreuses activités.
Aux origines
Ainsi, dans les années 1850, la bibliothèque (qui côtoie l’école jésuite et le musée d’art) est installée dans l’actuel lycée Stendhal. Et elle se sent à l’étroit. Le maire de Grenoble, Eugène Gaillard élu en 1858 est un banquier ayant fait fortune à Paris. Il fait face, au début de son mandat, aux protestations des différents conservateurs (du musée et de la bibliothèque) et demande plus d’espace pour faire face à leurs besoins croissants.
Cependant, par manque de trésorerie, le maire doit attendre la visite de Napoléon III, de passage à Grenoble en 1860, qui annonce une subvention de 200 000 francs pour un musée-bibliothèque. Deux ans plus tard, le riche maire embraye et lève un paquet de pognon : 550 000 francs, ce qui représente 2/3 du budget de la ville à l’époque.
Le chantier débute en 1868 dans le quartier naissant de la Préfecture qui accueille déjà le Muséum d’histoire naturelle ou encore la prison de Chavant.
Achevé en 1872, le musée-bibliothèque témoigne du prestige de la ville, mais surtout « célèbre, par sa présence, une nouvelle forme d’orgueil urbain : la prospérité », selon les observateurs de l’époque. Avec sa fabuleuse grande galerie, l’édifice est le plus vaste de ce type (avec ses 2 140 m2 de planchers). C’est aussi l’une des plus chères de l’époque, avec 1,6 million de francs nécessaires aux travaux. Des oeuvres et des livres y trônent.
À nos enfants
Si l’édifice est superbe, et la grande galerie représente une prouesse pour l’époque, il est finalement peu utilisé. Un nombre très réduit de lecteurs se sont pressés dans la bibliothèque. À la fin du XIXe siècle, la ville compte 40 000 habitants, mais la bibliothèque ne reçoit que 39 personnes en 1893. En 1939, ce n’est que 32 lecteurs… Un succès modeste, mais le pire est à venir. Après la IIe guerre mondiale, un employé repère des fissures alarmantes et met en évidence des malfaçons. Le béton s’avère de piètre qualité, et les fondations pas assez enfoncées dans le sol.
Aujourd’hui, le bâtiment est certes classé aux monuments historiques, mais la Ville n’a fait que des réparations cosmétiques. En parcourant les différentes salles à l’abandon, d’inquiétantes traces d’humidité apparaissent. En cause, des infiltrations d’eaux. L’édifice reste un joyau oublié, qui devrait être pris en charge dans le cadre de l’appel à projets « Gren’ de projets ». Une manière de ressusciter les lieux ? Espérons-le.
Infos pratiques
9, place de Verdun à Grenoble.
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