En plus du platane, arbre urbain par excellence, des espèces du monde entier ont été introduites à Grenoble. Ces merveilles de la nature, pouvant vivre des siècles, ont été déposées là pour notre bon plaisir. Alors, autant en profiter.
Quoi de plus beau que les feuilles d’un frêne se drapant de couleurs chatoyantes une fois l’automne venu ? La sempiternelle transformation conserve son charme, quand le visiteur flâne sous les hautes branches des platanes alignés au cordeau, le long des lignes de tram, sur le parc Paul-Mistral. Cette partie du PPM (À l’ouest de la mairie) abrite une végétation touffue, mais l’on distingue une essence qui sort du lot : le hêtre. Si cet arbre est très présent en France, ce spécimen au tronc large et boursouflé par les années étend ses branches au ras du sol. Pluri-centenaire, il conserve en mémoire des traces d’amours éphémères (« J + N = Cœur ») et de petites colonies d’écureuils se régalant de ses fruits.
De l’autre côté du boulevard Jean Pain, le jardin du Muséum expose pour sa part des espèces plus exotiques comme le cyprès chauve. Pour le moins énigmatique, cet arbre s’épanouit sur son îlot artificiel, à côté du premier pont Vicat. Habituellement présent dans les marais de Louisiane, le cyprès chauve a développé des racines bien particulières pour vivre dans ce milieu : les pneumatophores. Ces racines sortent de terre tout autour de l’arbre, et lui servent à respirer. On les voit apparaître un peu partout autour de cet îlot, comme des champignons aux allures de phallus.
Hiroshima et la bombe
Si ce cyprès représente les États-Unis, le ginkgo biloba est, lui, un symbole japonais. Un formidable spécimen se trouve au parc Michallon, tout proche de la route. Ce Highlander arboricole résiste à tout : pollution, radiation, bombe atomique. Sa réputation s’est réellement confirmée en 1945. Quand, à Hiroshima, le paysage n’est que ruine après l’explosion de la bombe américaine, le ginkgo survit. Alors qu’il est situé à moins d’un kilomètre de l’épicentre, l’arbre est le premier à repousser après le désastre. Autre spécificité du ginkgo : il pue. En effet, la femelle porte au printemps des ovules sur ses feuilles qui contiennent de l’acide butanoïque, à l’origine de cette odeur de beurre rance. Heureusement, celles-ci en forme de palmes sont aussi très utilisées pour ses vertus thérapeutiques.
Dans le parc Michallon, le voisin du ginkgo n’est autre qu’un cèdre du Liban. À son pied, l’on peut croiser au petit matin Amédé. Le fringant sexagénaire s’y repose, accroupi et dos contre l’arbre. Les yeux fermés et le visage apaisé, il explique se « recharger de l’énergie de cet arbre presque tous les jours ». Et il vrai que le représentant du Cedrus libani a de la force à revendre : il a été planté là en 1847, ce qui en fait l’un des plus vieux (et des plus imposants) de la ville.
Enfin, plus discret, mais non moins intéressant, le Davidia involucrata est installé à l’arboretum Robert Ruffier-Lanche. Le parc, caché dans un coin du campus tout au bout de la rue de la Chimie, héberge pas moins de 200 espèces rares ou curieuses. On compte le Lonicera x zabelii Rehd, un arbuste aux fleurs roses et effilées, et le Sorbus aucuparia » Xanthocarpa », qui expose ses grappes de fruits jaunes aux oiseaux affamés. Le Davidia involucrata, pour sa part, est chinois. On l’appelle aussi arbre à mouchoir puisqu’il dispose de fleurs très particulières, longues et blanches, donnant l’impression qu’un enrhumé y a vidé son stock de Kleenex. Un tour du monde surprenant, sans quitter l’agglomération.
Jean-Baptiste Auduc
Crédits photo : Le ginkgo biloba appartient à la famille d'arbre la plus ancienne au monde © JBA
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