Un damier rouge et gris portant la mention “carrelage frais ne pas marcher” sur le quai Romain Rolland, un musicien jouant une “symphonie en macadam mineur” devant le Conservatoire National Supérieur Musique et Danse, ou encore une “étoffe de bitume” aux pieds de la statue de Joseph Marie Jacquard (place de la Croix-Rousse) : découvrez les œuvres d'Ememem.
Vous avez sans doute aperçu ces bouts de trottoirs en carrelages colorés émailler Lyon ces derniers temps. Ils sont l’oeuvre du street artist Ememem, un carreleur masqué qui ne manque pas d’humour. Ni d’altruisme. Non seulement ses réalisations sont surprenantes, poétiques et joyeuses mais elles permettent surtout de combler les nids de poule et autres trous dans le bitume souvent synonymes d'embûches pour les pieds ou les roulettes de tous bords.
Il a nommé sa technique le “flacking” car il comble les trous où se formeraient habituellement des flaques avec des mosaïques de carrelage (garanti 100% véritable). Un super bricoleur de l’espace urbain en quelque sorte.
Sur les quais de Saône justement, vous pouvez piétiner plusieurs de ses oeuvres, notamment le fameux carrelage tombal portant l’épitaphe “ci-gît un nid de poule”, un hommage poignant situé Quai Pêcherie. Ou encore l’empreinte digitale localisée devant la passerelle du Palais de Justice.
CHIRURGIE
Il nous explique avec humour sa façon de procéder : “Ca se passe normalement de nuit, après un repérage de bitume accidenté. Aux heures sombres, j’arrive sur place et je me mets à l’œuvre aussitôt. Les opérations chirurgicales sont délicates et requièrent beaucoup de précision. Je pense que l’aspect psychologique joue un rôle important. Le bitume doit se sentir rassuré. Je le cajole et lui murmure quelques paroles douces tout au long de l’intervention. Je m’assure ensuite qu’il se sent bien dans son nouveau corps, qu’il assume son reflacking. Je rassure aussi les passants nocturnes les plus sensibles, la vue du goudron à vif est parfois saisissante.”
On trouve aussi nombre de ses oeuvres dans le premier arrondissement, quartier ancien où la voirie offre de nombreuses irrégularités. Au niveau de la place Rouville, la rue de l’Annonciade, déjà chérie par de nombreux street artists, abrite des flamboyants flackings bleus et jaunes. En bas de la rue, sur la petite place arborée à gauche, on peut observer dans son habitat naturel un gastéropode bariolé. Un peu plus bas, rue de la vieille, un élégant damier noir, blanc et rouge raconte “l’histoire d’une vieille dame”. On remonte : Montée des Carmélites, un puzzle multicolore raccomode le trottoir. Enfin montée Saint Sébastien, un motif en étoile bleu, rose et gris égaye le sol de l’étroit trottoir.
DE L'ATELIER AU TROTTOIR
On lui a demandé comment lui est venue cette idée aussi saugrenue que brillante : “Je suis un artiste d’atelier mais une vieille traboule trouée m’a amené à faire le trottoir. J’avais envie de réparer l’entrée dans cet espace sombre qui amenait à mon lieu de travail. J’ai donc rafistolé et coloré quelques fissures puis je me suis arrêté là. C’était il y a cinq ans au moins. C’est cet hiver, en tombant dans une flaque gelée, que cette histoire m’est revenue en pleine tête avec des dimensions toutes nouvelles.”
Crédits photo : EmememInfos pratiques
Son site internet : www.ememem.net
Sa page facebook pour lui envoyer vos nids-de-poule favoris et, qui sait, lui donner l'envie de les flacker ! www.facebook.com/emememstreet
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