Le DIY (Do It Yourself) est la pensée qui anime nombres d’associations à Grenoble et touche une partie grandissante de la population. Réparer son vélo, un ordinateur ou même créer de nouveaux objets est d’une facilité déconcertante.
Dans la pensée Do It Yourself, il y a deux écoles. La East Coast, et la West Coast, comme pour le hip hop américain. À Grenoble, cette opposition s’illustre en deux lieux. D’un côté, le Fab Lab, à la Casemate. De l’autre le hackerspace LOG (pour Laboratoire Ouvert Grenoblois).
Les deux lieux sont destinés aux makers (surnom des bricoleurs). Mais tout se joue sur les moyens de se financer. D’un côté, le Fab Lab fonctionne grâce à des subventions. Le LOG ne se finance que par les adhésions à son association. Leur devise pourrait être « Bricoler pour s’amuser ».
Cela se vérifie dès qu’on arrive sur leur parking, rue Nicolas Chorier. Des bidouilleurs sont à l’œuvre, à la nuit tombante. Guy, l’un des membres, est en train de réaliser un double de sa clé de voiture. Il a bricolé une fonderie en aluminium, avec une bonbonne de gaz renversé. Une fois fondu, l’alu est coulé dans un moule pour tenter de reproduire le précieux sésame. « Cela fait deux mois que je travaille sur cette clé. J’aurais peut être dû simplement en faire faire un double », sourit le bidouilleur, concentré sur sa tâche.
Les membres du LOG font tout et n’importe quoi. Ils ont fabriqué une tireuse à bière home-made, un sténopé (une sorte d’appareil photo) ou encore une borne de jeu d’arcade. De plus, dans l’atelier, ils disposent de quoi faire des ailes de parapentes, une machine à tricoter et toute une batterie d’appareils électroniques.
Le LOG a aussi sa mascotte : une peluche géante à l’effigie de Tux, le manchot emblème de Linux (un système d’exploitation open source). Bruno, notre guide au LOG, commente : « il y a des plans de Tux sur internet. Mais c’est une version de 20 cm. J’ai exigé que la nôtre soit plus grande que moi. Sinon, ce n’est pas rigolo. » Le manchot mesure donc 2m20. L’animal les suit partout. À l’image de cette peluche géante, les membres du LOG sont très ouverts. Tous sont également très disponibles, il est donc très facile d’apprendre. D’autant que les machines sont accessibles à tous les adhérents, gratuitement.
Sensibiliser au DIY dans la ville
Les membres du LOG sont aussi parties prenantes de nombreux événements. Ils étaient par exemple présents à l’Open Bidouille Camp, grand messe du DIY grenoblois. Le 22 octobre, ils ont aussi participé à « Fontaine la Libérée », à la Source. « On a appris aux gens à faire des TV-be-gone. C’est une télécommande universelle, qui fonctionne sur 95% des écrans », décrypte Bruno.
Celle-ci dispose d’un seul bouton : celui qui permet d’éteindre la télé. Le LOG a pu tester son efficience place Claveyson, dans le centre-ville, lors de la demi-finale France Allemagne. Les trublions ont pu s’amuser à éteindre, aux moments fatidiques, la seule télé de la place. « Mais il ne faut pas donner de noms », se rattrape l’un des membres, par peur des représailles.
En tout cas, les cerveaux du LOG n’arrêtent pas de tourner, juste pour le plaisir. « Nous ne recherchons pas à pérenniser ce qui se passe ici », sourit Baptiste, le président du LOG. Mais leurs expériences ne sont pas vaines pour autant.
Les hackers documentent tous les objets qu’ils créent avec des plans. Un moyen de se réapproprier le processus de pensée. « L’idée est de faire à plusieurs, en commun et de faire circuler les savoirs », insiste Marie-Christine Bureau, sociologue qui s’est intéressé à la question des hackerspace.
Le Fab Lab cherche un business model
D’apparence, le Fab Lab de la Casemate défend les mêmes intérêts que le LOG. L’open source est au cœur du projet (les objets sont documentés sur différents sites internet). Issu du MIT (le Massachusetts Institute of Technology de Boston), le mouvement des Fab Lab a envahi petit à petit la France.
« Le plus important ici, c’est que les personnes qui entrent ont la possibilité de développer un objet en ayant accès à des machines uniques », défini Diego Scharager, Fab Lab manager. La seule différence avec le LOG, c’est le budget des bidouilleurs.
Le Fab Lab nécessite un abonnement, plus ou moins cher. L’abonnement standard est à 250 euros par an (175 pour les étudiants), mais peut monter à 500 euros pour les entrepreneurs. Puis il reste à dispenser à chaque nouvel inscrit une petite formation pour chaque machine.
Mais attention, il faut réserver l’appareil, et ensuite payer pour l’utiliser. Il faut dire aussi que ces machines coûtent un bras. On compte 5 à 6 imprimantes 3D, entre 300 et 1 000 euros. La découpeuse laser dernier cri monte à 60 000 euros. « Nous avons des subventions avec la Casemate qui nous permet de nous offrir de telles machines », décrypte Diego Scharager.
Ainsi, le Fab Lab est dans une recherche de business model. Cette question pécuniaire reste importante au sein du Lab. Surtout, insiste la sociologue Marie-Christine Bureau : « beaucoup de Fab Lab ont des liens avec des entreprises.
La charte du MIT [qui régit le fonctionnement de tous ces lieux dans le monde] n’interdit pas de faire du commerce. » Justement, à Grenoble, certains utilisateurs sont auto-entrepreneurs. Ils viennent prototyper ici leur produit à moindre frais. « Hier, l’un des utilisateurs, Jean-Grégoire a finalisé la love-box, un objet connecté qui permet d’envoyer des messages à son amoureux(se) », témoigne Diego.
L’objet sera peut-être commercialisé dans les mois à venir. Mais le Fab Lab manager modère tout de même : « en 5 ans, on a dû avoir 5 ou 6 projets réussis commercialement. » N’empêche, le principal point de scission entre les hacker du LOG et les bidouilleurs du Fab Lab se trouve ici.
« Le Fab Lab est dans une philosophie anarcho-capitaliste. Ils ne veulent pas remettre en cause le capitalisme par leurs actions », analyse Marie-Christine Bureau. D’autres, comme l’association Entropie (voir encadré) ou le LOG, veulent hacker le système dominant, et le détourner.
Cela n’empêche, ni les uns, ni les autres, de défendre un idéal : faire découvrir un monde où créer des objets ou de la connaissance n’est pas réservé à quelques uns, mais à tout le monde.
Infos pratiques
> Fab Lab Casemate
> Le LOG
> Association Entropie
> Un p’tit vélo dans la tête
> Les Déaillés
https://lesderaillees.wordpress.com
> Pignon sur roue
https://clavette-grenoble.heureux-cyclage.org
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