De la soie au théâtre en passant par la religion et l’ésotérisme, qui aurait cru qu’une balade au fil des portes remarquables de la Presqu’île nous conduirait aux tréfonds des racines de Lyon ?
A priori simple outil architectural, les portes peuvent abriter bien des mystères. La preuve, on commence par une porte secrète. Au numéro 30 du quai Saint-Antoine, empruntez la traboule et grimpez au premier étage. Là, une porte en bois ouvragé couronnée du mot “Guignol” et agrémentée de diablotins sur les poignées est l’entrée de l’un des plus importants théâtres de Guignol de Lyon. D’abord chapelle du couvent des Antonins édifiée au XVIIe siècle, elle est ensuite transformée en salle de concert, où Franz Liszt se produit d'ailleurs pendant l’été 1844. Le lieu devient le théâtre du Gymnase où les petits-enfants de Laurent Mourguet, créateur de Guignol, font vivre ce dernier en compagnie de Gnafron et Madelon. Les frères Pierre et Ernest Neichthauser dirigent le lieu de 1907 à 1966 et connaissent un succès international. Une opération d’urbanisme oblige le théâtre à déménager rue Louis Carrand dans le Vieux Lyon, où se tient encore aujourd’hui le théâtre Guignol de Lyon. Côté Saint Antoine aujourd’hui, la scène n’est autre que celle du théâtre des Ateliers.
Rejoignez la rue Mercière juste derrière jusqu’au numéro 48, où la porte a disparu ! On ne le décèle pas en passant rapidement mais on peut observer qu’une partie de la vitrine de la boutique comporte un numéro et qu’elle est surplombée d’un arc tout comme sa voisine au numéro 50, ainsi que d’une inscription “Au maillet d’argent”. Il s’agirait peut-être de l’entrée d’une ancienne forgerie.
Des lions et des fleurs
Une porte majestueuse s’élève au n°2 de la rue Grenette. À gauche et à droite, des lions, des fleurs et des fruits sculptés décorent ce bel immeuble du XIXe siècle. Mais pour le clou du spectacle il faut lever la tête. Au-dessus de la porte, un bas-relief représente l’enfant Jésus, assis sur les genoux de sa mère, une rose à la main. L’auréole de l’enfant est évidée, formant une ouverture sur l’escalier intérieur. Au-dessus est inscrit Mater Amabilis : une louange de la Vierge Marie signifiant “mère aimable”. Enfin, et c’est le plus intriguant, une belle étoile à cinq branches couronne le tout. Un pentagramme donc, symbole très fréquent en magie et en ésotérisme. Il peut désigner l’homme, les cinq éléments, parfois le pouvoir et le mal. C’est aussi un symbole païen du féminin sacré, ce qui se rapproche davantage de la scène qu’il surplombe, même si l'on sort du même coup du registre religieux. Egalement souvent arboré comme talisman de protection contre le mal, nous supposons que c’est la raison la plus probable de sa présence ici.
Des lions, des vers à soie et des feuilles de mûriers, c’est aussi le décor de l’imposante porte en bois sculpté et son arc en plein cintre (en demi-cercle) de la Condition des soies, au 7 rue Saint Polycarpe (Lyon 1er). Ces motifs rappellent la fonction première du bâtiment : le contrôle des soies. Le principal ennemi de ce commerce est l’humidité, la fibre de soie absorbe facilement l’eau ce qui facilite les trafics en tous genres. La création d’une “Condition des soies” est donc décrétée par la chambre de commerce et signée par Napoléon de passage à Lyon en 1805. Son but : abriter les ballots de soie et évaluer correctement leur taux d’humidité pour les opérations marchandes. L’architecte Joseph Jean Gay s’inspire des palais florentins et prend soin d’isoler le bâtiment des immeubles alentours pour éviter les risques d’incendie. On peut en effet observer encore aujourd’hui que le bâtiment n’est pas directement mitoyen avec ses voisins, il est séparé par une cour. De nos jours, les tissus ont laissé place à la bibliothèque municipale et à un centre socioculturel.
Crédits photo : Lisa DumoulinInfos pratiques
Porte Guignol : 30 quai Saint-Antoine (Lyon 2e)
Porte disparue : 48 rue Mercière, (Lyon 2e)
Porte Mater Amabilis : 2 rue Grenette, (Lyon 2e)
Porte Condition des Soies : 7 rue Saint Polycarpe, (Lyon 1er)
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