S’il ne représente encore qu’une niche sur le marché global du vélo, le VTT à assistance électrique (VTTAE) gagne du terrain depuis quelques mois. Il faut dire qu’il ne manque pas d’atouts pour séduire un public très large, y compris parmi les sportifs purs et durs. On vous explique pourquoi.
« Depuis l’adolescence, je faisais du VTT avec mon père, qui m’avait initié à ce sport. Mais ça faisait dix ans qu’on avait arrêté de rouler ensemble, parce qu’il n’avait plus les capacités nécessaires pour ça. Grâce à l’électrique, il s’est remis au VTT. Du coup, ça nous permet de nouveau de partager des sorties ensemble, ça fait vraiment plaisir », explique Emmanuel Danjou, référent stratégie vélo au sein de l’association Grande Traversée des Alpes (GTA).
Kostia Charra, directeur France de la Mountain Bikers Foundation (une association qui promeut une pratique « responsable » du VTT afin d’éviter les conflits d’usage avec les randonneurs, les cavaliers, etc), note aussi que « l’avantage du VTTAE, c’est d’être accessible à tous. Ça permet aussi d’équilibrer les groupes, les niveaux, même entre pratiquants aux capacités physiques hétéroclites ».
Emmanuel Danjou et Kostia Charra confirment, par leurs propos, un postulat assez évident : le VTTAE est un formidable moyen de démocratiser la pratique du VTT. Pour autant, cet engin ne s’adresse pas uniquement à un public de personnes âgées ou de non-sportifs.
Même Nicolas Vouilloz, dix fois champion du monde de VTT de descente, l’a adopté ! « L’année dernière, je n’ai vraiment pas été épargné par les blessures, avec notamment les deux genoux à la suite. Du coup, lorsque j’ai repris le vélo, je n’avais vraiment plus de muscle. En étant affaibli de la sorte, j’ai compris tout l’intérêt du VTTAE. Même si, auparavant, comme de nombreux sportifs de haut niveau, ça pouvait me faire sourire. J’ai pu véritablement m’amuser grâce au VTTAE ».
Plaisirs décuplés
Pour George Edwards, l’organisateur de courses de VTT enduro mythiques qui se déclinent aussi désormais en version électrique (Transvésubienne et Mégavalanche de l’Alpe d’Huez notamment, avec un règlement spécifique, lire encadré), « les plaisirs du VTTAE sont les mêmes qu’en VTT classique, sauf qu’ils sont décuplés. Il ne faut pas oublier qu’il faut quand même pédaler, et qu’on peut aussi être dans une optique de performance et de dépassement de soi. Avec un VTT classique, un athlète entraîné sera capable de développer une puissance de 250 watts pendant 5 à 10 minutes maximum. En VTTAE, ça restera toujours aussi tonique, avec l’avantage de pouvoir le faire pendant plus longtemps».
Nicolas Vouilloz estime qu’un « VTTAE ne remplace pas un VTT classique, mais ça peut être un bon vélo complémentaire. Avec un VTT classique, pour travailler le cardio à 125-130 pulsations par minute, je suis obligé de rester sur du plat. Avec un VTTAE, je peux le faire sur des terrains plus accidentés ». Et ainsi travailler le pilotage en même temps que le foncier, et non plus l’un ou l’autre.
« On peut aussi arriver plus frais au sommet d’une côte, poursuit George Edwards. Ce qui permet, lorsqu’on aborde la descente, d’être en pleine possession de ses moyens et de vraiment pouvoir se concentrer sur le pilotage. Bien sûr, l’usage du VTTAE peut rendre la pratique du VTT moins physique, mais ça ne change pas l’esprit pour autant. Le VTT, c’est autant la montée que la descente, et ce quel que soit le vélo qu’on a.
Sur la Transvésubienne, y compris en version électrique, il est indispensable d’être un bon descendeur, sinon on a aucune chance de s’imposer. La course peut même au contraire devenir une bonne galère ».
Grande stabilité en descente
On touche là à l’une des limites du VTTAE. En diminuant la dépense d’énergie nécessaire à la montée, le VTTAE peut donner accès à une multitude de nouveaux sommets, autrefois réservés à des vététistes aux jarrets d’acier. C’est une bénédiction pour des pilotes aguerris, mais un piège potentiel pour des pratiquants de moins bon niveau.
« Avec le VTTAE, des vététistes pourraient se retrouver au sommet de descentes trop techniques pour eux. Ce qui aurait pour conséquence une multiplication des accidents, et pourrait au pire aboutir à l’interdiction de certains sentiers », redoute Kostia Charra.
Un avis partagé par Emmanuel Danjou. « Il y a le risque d’assister au même phénomène qu’il y a quelques années, lorsque les stations de ski ont ouvert leurs remontées mécaniques aux vététistes pendant l’été, mais qu’elles ne proposaient pas d’itinéraires aménagés pour la descente. C’est pour éviter cet écueil qu’au sein de la GTA, les itinéraires VTTAE que nous avons mis en place se déroulent principalement sur des pistes roulantes et peu techniques, y compris à la descente. »
Une démarche compréhensible certes, mais qui rend la pratique du VTTAE plus proche de celle du VTC que du « vrai » VTT alpin. En d’autres termes, en limitant les portions sur singles, n’enlève-t-on pas ce qui fait le sel du VTT ? Et ce d’autant plus qu’un VTTAE est plus agile qu’on aurait tendance à le croire en descente.
« C’est un autre type de pilotage qu’en VTT classique. Mais comme le moteur est situé en bas du vélo – dans le boîtier de pédalier ou le moyeu d’une roue selon les modèles – ça donne de la stabilité. Il y a plus de pression exercée sur le pneu, et du coup c’est même parfois plus facile de tenir une trajectoire. Je trouve aussi que ça pardonne davantage les petites erreurs de pilotage C’est très bien pour faire de la descente de niveau vert ou bleu », estime Jean-Jacques Guérini, l’agent français de la marque allemande de VAE (et VTTAE) Riessle & Muller, et pratiquant régulier de VTTAE.
Une analyse partagée par Nicolas Vouilloz, pour qui « cette stabilité supplémentaire met en confiance. Mais c’est quand même moins maniable qu’un VTT classique. C’est aussi plus dur d’alléger le vélo sur les obstacles. Et on peut parfois se faire prendre par le poids du vélo. Il faut penser à freiner plus tôt ».
Une niche française… mais à gros potentiel
Malgré tous ces atouts, le VTTAE « est pour l’instant une niche purement française. Le gros du marché du VAE, aujourd’hui, c’est pour du vélo urbain, pour une pratique de déplacement davantage que dans une optique sportive. Même les Etats-Unis, qui sont pourtant le berceau du VTT, n’ont pas encore adopté le VTTAE », assure Jean-Jacques Guérini.
Pourtant, d’après Kostia Charra, « le VTTAE est un marché potentiellement énorme, ce qui explique les efforts des marques en la matière. Je pense qu’il y a bien plus de perspectives de développement que pour le marché du VTT classique. Ça peut concerner de nombreux amateurs de sports de nature, voire aller toucher les pratiquants de motocross ».
Pour l’association GTA, la mise en place d’itinéraires calibrés pour le VTTAE vise clairement à « conquérir une nouvelle clientèle, davantage qu’à inciter la clientèle actuelle – qui pratique déjà le VTT classique ou le vélo de route – à se mettre à l’électrique. Il faut savoir que le gros de la clientèle de la GTA a entre 50 et 60 ans. Avec cette offre spécifique VTTAE, on s’adresse plutôt à des adultes entre 30 et 40 ans, en couple ou entre amis, voire éventuellement avec des ados. On peut aussi espérer aller vers une clientèle plus féminine qu’avec des vélos ou VTT classiques », conclut Emmanuel Danjou.
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