Le musée de Grenoble est encerclé par l’eau et des créatures fantastiques ! Il n’y paraît pas et pourtant l’esplanade François-Mitterand et le parc Albert-Michallon sont peuplés de chimères marines, d’une jeune fille prisonnière et d’une femme démoniaque. Progressivement installées ici depuis 1988, les quinze sculptures qui valsent autour du bâtiment sèment illusion et fantaisie.
L’abîme de la nudité
Aux abords de la citadelle de l’esplanade François-Mitterand, bâtie au XVIe siècle, se cache, ingénue, la Jeune fille debout (Marcel Gimond) dans son apparat de bronze. Avec pudeur, elle dévoile ses charmes naissants afin d’attirer dans ses filets le Navire, avec son mât de plus de vingt mètres (Mark Di Suvero), distant d’un mile environ.
En réalité, elle appelle au secours et les malheureux marins s’en vont la sauver ne voyant pas qu’au loin le monstre s’éveille. Tenue captive des arcades des murs de fortifications depuis des années par Monsieur Loyal, (Alexander Calder). Postée sur le parvis du musée, la sculpture est en réalité la réincarnation du monstre du Loch Ness, qui jure de mener à sa perte tout homme qui compterait lui ravir la candeur juvénile de la jeune fille.
Par vent et soleil, depuis des décennies, la créature de bronze dresse fièrement ses écailles pointues dans le ciel afin d’intimider les preux mâles qui s’y aventureraient, aveuglés par la douceur des formes de la demoiselle. Et lorsque les téméraires font preuve de trop de ténacité, Monsieur Loyal n’hésite pas à les envoyer de l’autre côté du musée, afin de leur assurer une mort certaine en lieu et place même du mal.
La porte des Enfers
Car le parc Albert-Michallon accueille, hélas, nombre de naufragés et de vestiges d’une bataille perdue d’avance. De l’autre côté du musée, au bord de l’Isère, apparaît Orphée (Ossip Zadkine), joueur de lyre, au milieu des arbres, figé dans la torpeur mortuaire qui l’a frappé lorsqu’il a dû affronter Rolande, la Femme nue debout (Robert Wlérick). Atterri ici après avoir combattu Monsieur Loyal sans relâche, le pauvre a succombé aux charmes de Rolande et s’est retrouvé pétrifié dans sa chair de bronze anguleuse.
Femme sensuelle aux seins pointus, Rolande règne sans pitié sur ce berceau qui reçoit des monstres à peine sortis de la porte des Enfers, à quelques mètres de là sur le talus. Le Couple (Eugène Dodeigne), en pierre grise, n’est autre que la fente par laquelle les ténèbres émergent de la Terre, alors que lui fait face, à quelques pas en direction du fleuve, l’arc de triomphe de la démone.
Monoforme 26 (Gottfried Honneger) célèbre la gloire de Rolande, avec des angles acérés dans la noirceur du métal. En contrebas du Couple demeurent les ruines du bateau nommé Chant des montagnes (Anthony Caro).
Les gardiens maléfiques
Ayant certainement appartenu à un équipage de pirates n’écoutant que leur soif de pillage et de femmes, le navire a échoué dans les tréfonds du parc et s’est brisé contre le mur de pierre. Alors que la coque se trouve au sommet, les voiles et les mâts cassés caressent le sol dans un infini mouvement de vague. Pour s’assurer que l’embarcation ne reprendrait pas le large, Rolande a posté, juste au-dessus, des serpents de mer.
Telles Trois lignes indéterminées (Bernar Venet), les reptiles s’enroulent inlassablement, malgré leur peau d’acier, afin de pouvoir surgir à tout moment. Tout comme la jeune femme inconnue qui guette, tel un vautour, à l’entrée du parc. Il ne faut pas se fier aux courbes charnues de cette prédatrice qui ne fait qu’une bouchée des imprudents qui s’égarent dans le coin. Alors marin d’eau douce s’abstenir, et marin urbain, attention aux enchantements.
Crédits photo : Jérémy TroncInfos pratiques
Accès : Tram B arrêt Notre-Dame Musée
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