Capitale de la joaillerie et de la soierie, Lyon est, depuis la Renaissance, une ville courtoise par excellence. De muses en amants impossibles, certaines figures tragiques locales sont pourtant là pour rappeler que les histoires d’amour finissent mal en général.
Jules Bonnot, garagiste anarchiste et gentleman cambrioleur (il braquait des coffres forts au chalumeau) en fait partie. Au début du XXe siècle, il séduit Judith Thollon, femme d’un gardien du cimetière de la Guillotière, pour en faire à la fois sa maîtresse et sa nourrice. A la perquisition du domicile des Thollon en 1911, la police retrouvera, cachés dans un mur, une bonne demi-douzaine de chalumeaux et des cartes postales conservées par Judith, dans lesquelles son amant la surnomme «mon petit titi». Le mari, au procès, tombe de haut. Sa femme, quant à elle, en prend pour quatre ans. Bonnot lui fera malgré tout envoyer en prison des plateaux repas cuisinés par un restaurateur de Perrache. Dans le genre qui finit mal, connaissez-vous l’histoire tragique (mais fictive) de Dina la Belle Juive, telle que relatée dans le conte éponyme de Pétrus Borel ? L’auteur, né en 1809 à Lyon, fait partie d'un mouvement littéraire qui n'aura guère marqué l'histoire de la littérature : le romantisme frénétique. Ses héros, Aymar et Dina, sont un peu les Romeo et Juliette des bords de Saône : deux ados follement amoureux mais séparés par leurs familles pour cause de religions différentes. Dans le conte de Borel, Dina réside au 8 rue Juiverie. Poussez la porte de ce vieil immeuble et vous découvrirez, dans l'arrière-cour, une galerie sur trompes de 1536, conçue par l'architecte Philibert Delorme. Classé monument historique, ce joyau de la Renaissance est aujourd'hui encore propice aux sérénades amoureuses. Si l’on préfère oublier la mort tragique de Dina, assassinée par noyade, on retiendra de ce conte une truculente anecdote au sujet du quartier Juiverie : «J’ai toujours ouï dire qu’il était périlleux de traverser la nuit les juiveries, qu’il y pleuvait des chaudières et des matras, des chats noirs, des mandragores, des chauves-souris, des feux grégeois…». Juliette, je suis ton père En marge de ces tragiques amours, Lyon peut se vanter d’avoir eu sa Cléopâtre : Juliette Récamier. Une muse de caractère, politiquement influente et d’une beauté à faire chavirer Chateaubriand. Une femme au profil si charmant qu’elle est devenue l’une des personnalités féminines les plus représentées du XIXe siècle. Juliette, dont on ne connait aujourd'hui plus que le lycée et la rue éponymes, fut mariée à 15 ans à un riche banquier. Un mariage jamais consommé, arrangé par sa famille et dont les potins de l'époque laissèrent entendre que ledit banquier n'était autre que le père naturel de Juliette. Côté mondanités, la «Merveilleuse du Directoire», comme on la surnommait alors, remit au goût du jour la robe taille empire façon Grèce antique.On peut le vérifier sur la fresque des Lyonnais célèbres, où elle apparaît au balcon central du troisième étage. On peut aussi admirer son visage en médaillon à l’angle de la rue Paul Chenavard et de la rue Constantine, sa rue natale, sur la façade de l’immeuble Tavernier. Elle y partage l’affiche avec nombre de Lyonnais fameux : l’abbé Rozier, le sculpteur Lemot, les frères Coustou, sculpteurs également, et surtout la poétesse Louise Labé, autre figure féminine controversée (personne ne sachant si elle a réellement existé). Il n’y a pas d’amour heureux «La maison où je suis né a fait place à un hospice. C’est la maison que je montre dans L’Horloger de Saint-Paul et où mon père avait hébergé Aragon et Triolet entre 1942 et 43 » (Bertrand Tavernier, cinéaste de l’émotion, par Danièle Bion). C’est entre les murs de la maison dont parle le cinéaste qu’Aragon écrivit, en pleine Seconde Guerre Mondiale, le poème Il n’y a pas d’amour heureux. Des vers repris en chanson par Georges Brassens et Françoise Hardy et dont Tavernier affirme qu'ils étaient destinés à sa mère. Quoiqu’il en soit, c’est bien avec sa femme Elsa Triolet qu’Aragon se réfugia sur les hauteurs de Montchat entre 1942 et 1943, dans ce qui fut autant une maison de résistants qu'un foyer littéraire, l’adresse ayant servi de relais de poste à tous les artistes de la Zone Sud pendant ladite guerre. En avril 1993, une plaque a été apposée au n°4 de la rue, à l’emplacement de la demeure disparue. S'y rendre de nos jours a tout du pèlerinage romantique, d'autant que se dresse à seulement quelques pas le charmant parc de Chambovet. Crédits photo : Raphaëlle PoyetInfos pratiques
GALERIE PHILIBERT DE L’ORME Cour intérieure du 8 rue Juiverie, Lyon 5 MÉDAILLON DE JULIETTE RÉCAMIER Immeuble Tavernier à l’angle des rues Constantine et Paul Chenavard, Lyon 1 PARC CHAMBOVET 4 rue Chambovet, Lyon 3e
Laisser un commentaire