Henri Grouès ça vous dit quelque chose ? Non ? Et si on vous dit que chez les scouts, on le surnommait «Castor méditatif» ? Qu'il a été incarné par Lambert Wilson dans le film Hiver 54 ? Toujours pas ? Cette balade sur les traces de ce moine, résistant et militant qui se rêvait «marin, missionnaire ou brigand» vous aidera à retrouver la mémoire.
Tout commence au 26 de la rue Sala, l'une des plus belles de la presqu'île lyonnaise, dans une riche famille de soyeux lyonnais. Une rue prédestinée puisque suspendue tel un fil entre deux des plus belles églises de Lyon : Saint-Georges derrière la passerelle du même nom (où certaines messes sont encore données en latin aujourd'hui), et Saint-François de Sales et sa coupole toscane. Prison sous la révolution, cette dernière fut aussi un couvent de filles pénitentes, qui accueillait les femmes de mauvaise vie. Sa jumelle, la Maison des recluses, réservée aux filles de bonne famille, était située rue Sala, où nous attendent nos soyeux. Le 5 aout 1912, la famille Grouès s'agrandit avec Henri, cinquième d'une fratrie de sept frères et sœurs. Il étudiera quelques pâtés de maison plus loin au lycée Saint-Marc, un établissement fondé en 1871 par une communauté jésuite installée...rue Sala, encore une fois. Saint-Marc qui revendique encore aujourd'hui une éducation humaniste et des traditions pédagogiques fondées sur des principes évangéliques tels que l'esprit de service et le sens de la justice, mais aussi sur l'exigence et l'excellence. C'est d'ailleurs dans la chapelle de cet établissement qu'Henri sera ordonné prêtre en 1938.
Fous ta capuche
Avant cela, en 1931, Henri prononce ses vœux et devient Frère Philippe chez les frères mineurs capucins. Pour en apprendre plus sur cet ordre religieux inspiré de Saint-François d'Assises, rendez-vous rue des Capucins, dans le premier arrondissement. Au numéro 6, appuyez sur le bouton de service (le matin), poussez une lourde porte de bois sculpté et clouté avec une arche en ferronnerie, et vous voilà dans l'ancien cloître du monastère des capucins, fondé en 1622. L'une des plus belles cours des pentes de la Croix-Rousse, doublée d'une célèbre traboule aux airs de passage secret vers la place des Capucins et la rue Sainte-Marie-des-Terreaux. La suite se passe sur la fresque des Lyonnais célèbres : sous un porche qui ressemble grandement à celui de la rue des Capucins, Henri apparait vêtu de la tenue traditionnelle de l'ordre, une robe de bure. Son «capucin» en revanche, un béret noir, renvoie aux activités de résistant qu'il mènera pendant la Seconde Guerre Mondiale.
«L'insurrection de la bonté
Lorsque celle-ci éclate en 1939, frère Philippe est vicaire à Grenoble. Résistant dans la Chartreuse puis dans le Vercors, il fondera dès 1949 la communauté laïque d'Emmaüs, en référence aux pèlerins du lieu-dit d'Emmaüs, près de Jérusalem, qui rencontrèrent Jésus après sa résurrection. Dans la foulée, son nom de code deviendra celui de la personnalité préférée des Français : l'abbé Pierre. Presque au même moment (1950) à Lyon, Gabriel Rosset, professeur de lettres au lycée Lacassagne, fonde quant à lui le Foyer Notre Dame des Sans Abris. D'abord balbutiante, cette structure prendra son essor en 1954 suite à une visite d'un abbé Pierre tout juste auréolé de son célèbre appel à une «insurrection de la bonté». L'association compte aujourd'hui plus de 1500 bénévoles et assure des accueils de nuit et de jour, ainsi que la veille du numéro d'urgence 115. Notez pour finir que du côté d'Emmaüs comme de Notre Dame des Sans Abris, se tiennent régulièrement des bric-à-brac où l'on déniche les meilleures affaires vintage de la ville. Des lieux où les objets s'entassent et les histoires se croisent, à arpenter tant pour découvrir les vrais visages de la charité à Lyon que faire le plein de cadeaux de Noël atypiques.Crédits photo : Raphaëlle Poyet Tenneroni
Infos pratiques
COMMUNAUTÉ EMMAÜS
8 Avenue Marius Berliet, Vénissieux
NOTRE DAME DES SANS-ABRIS
3 rue père Chevrier, Lyon 7
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