Football, cyclisme ou boules lyonnaises : quand les petites histoires du sport à Lyon croisent la grande Histoire, les clubs et les disciplines s'unissent.
A tel point qu'aujourd'hui, le centre d’entraînement de l'Olympique Lyonnais porte le nom de l'un des anciens champions du Lyon Olympique Universitaire, Tola Vologe. Si son nom sonne familier aux oreilles de bien des Lyonnais, sa personnalité demeure méconnue. D'origine lituanienne, il immigre en France alors qu'il n'est encore qu'un enfant. En 1940, pendant la Seconde Guerre Mondiale, il quitte Paris pour Lyon, alors zone libre. Le petit Tola a bien grandi : sportif accompli, il excelle en hockey, tennis de table (il participera même aux Jeux Olympiques), relais... Devenu bonnetier, il se met au même moment en tête de combattre la guerre avec l'esprit d'équipe. Il intègre ainsi la direction du LOU et organise, en 1944, avec la complicité du réseau résistant Sport Libre, une compétition d'athlétisme au stade des Iris. Quelques jours plus tard, le 23 mai 1944, il est dénoncé, et arrêté au bar «Le Monde», rue Bellecordière. On l'emprisonne alors au fort Montluc.Le 4 juin, il reçoit un colis de son ami et coéquipier du LOU Tony Bertrand (créateur de l'Office municipal des sports). Un colis de soutien contenant un précieux cadeau : un maillot aux couleurs du LOU, brodé en lettres d'or par sa mère, qu'enfilera l'un de ses compagnons d'infortune, André Frossard, pour lui faire la surprise. Mais ce jour-là, Tola ne revient pas de son après-midi de travaux forcés : ses gardiens l'ont criblé de balles. Les autorités de l'époque affirment qu'il essayait de s'enfuir, mais dans l'entourage de Vologe, on n'en croit rien. Ironie du sort, il portait justement, ce jour là, son survêtement rouge et noir, aux couleurs du LOU. Sur la proposition de Tony Bertrand, le centre d’entraînement de l'OL, situé à deux pas du Stade de Gerland, sera baptisé Tola Vologe en son hommage. L'histoire est parvenue jusqu'à nous grâce au témoignage d'André Frossard, rescapé devenu académicien et journaliste. On ignore s'il a conservé le fameux maillot brodé. FANNY, LE STREAKER DE LA CROIX ROUSSE
Presque aussi connu que le centre Tola Vologe dans le monde de la Boule Lyonnaise, voici le Clos Jouve. Entre le boulevard de la Croix Rousse et la rue Pierre Dupont il porte le nom de ses anciens propriétaires du XIXe siècle. A l'origine petit terrain planté de vignes, vendu au ministère de la Guerre et transformé en caserne, il abrite en 1850 la fondation de la toute première société de jeu de boules. Un clos historique donc, qui fut également le lieu, en 1870, d'une fusillade. Le Commandant de la garde Antoine Arnaud y succomba sous les cris révolutionnaires de « Vive la République! Vive Garibaldi! » pour avoir refusé de prendre part aux émeutes visant à renverser le gouvernement de l'époque. Si une école porte désormais le nom de ce dernier, ce qu'on retient plutôt du Clos Jouve, c'est sa statue qui rend hommage à la tradition de la Fanny, une Croix-Roussienne peu farouche qui aurait eu pour habitude de découvrir son postérieur pour humilier les joueurs de boule lyonnaise qui perdaient sans marquer un seul point. La suite ne regarde personne, même si l'expression qui en a découlé laisse peu de place au mystère : « embrasser la Fanny » ou « biquer la Fanny », en bon lyonnais, c'est perdre 13-0. Une expression qui s'accompagne, dans chaque clos digne de ce nom, d'un rituel immuable : l'on agite une sonnette pour attirer l'attention de tous les joueurs ; l'on apporte ensuite au milieu du terrain une Fanny, sous forme de petite sculpture ou de tableau. Et l'on contraint les vaincus d'embrasser son derrière après avoir mis un genou à terre. Notez que la tradition et l'expression perdurent dans toute la France. LA POLÉMIQUE DU VÉLODROME
En marge des exploits de la Fanny, en 1891, une pétition circule dans Lyon pour la création d'un vélodrome... sur les pelouses de la plus grande île du Parc de la Tête d'Or ! Le projet est étudié puis lancé, faisant les gros titres de l'époque : certains n'apprécient guère l'idée qu'un espace de loisirs et de flânerie soit transformé en gigantesque complexe sportif. Deux idéologies s'affrontent alors. D'un côté, les partisans de l'éducation physique dédiée aux loisirs et de l'autre, ceux du sport de compétition et de performance. Ces derniers obtiennent gain de cause. Le vélodrome est inauguré à l'occasion de l'exposition universelle de 1894. Les Archives Municipales de Lyon ont acquis une affiche datant de l'exposition universelle de 1914 (voir ci-dessus) sur laquelle on peut constater que la piste de ce vélodrome flambant neuf n'a pas seulement accueilli des courses de petite reine... mais aussi des courses d'ânes et de chevaux ! Celle-ci, à l'origine, n'est pas ronde, mais de forme de triangulaire, histoire de pouvoir accueillir non seulement des courses, mais aussi des spectacles. Les détracteurs du vélodrome avaient cependant réussi à négocier sa destruction après l'exposition universelle de 1894. Il n'en fut rien, le succès étant au rendez-vous, comme en témoigne un journal d'époque: « Autour du vélodrome, dans l'Île des sports, sera installée une kermesse permanente, pleine de vie et de mouvement ; une vache monumentale ; un restaurant monstre basé sur le système Duval ; des bars ; des vogues; des baraques en plein vent... En somme, ce sera là, la partie gaie de la grande exhibition commerciale et industrielle de 1894.» (extrait du Bulletin officiel de l'exposition universelle de 1894). L'Île des sports accueille encore aujourd'hui nombre de compétitions cyclistes, à défaut de courses d'animaux domestiques.Crédits photo : Raphaëlle Poyet
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