Petits palais Art nouveau, projets urbains d’envergure et parcs de designers... Derrière les grands noms inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco, c'est tout un réseau parallèle de curiosités architecturales qui se déploie dans les rues de Lyon.
Pour trouver les demeures lyonnaises les plus impressionnantes et les mieux conservées, il faut remonter au début du siècle précédent. L’Art nouveau et ses vitraux, ferronneries et arabesques ont en effet laissé de bien belles traces, en particulier dans le troisième arrondissement. Certains surnomment même Montchat, la partie est du quartier, Petite Suisse en raison des fortunes qui s’y sont installées à l’époque.Mais d'abord, un petit rappel historique pour ceux qui peinent à faire la différence entre Art nouveau d’Art déco. Le premier est arrivé au début du XXe siècle en France avec ses motifs floraux et vitraux colorés en réaction au classicisme de l'époque. Le mouvement architectural Art déco s'est quant à lui développé autour des années 20 dans la continuité de l'esprit Art nouveau, pour faire oublier les affres de la Première Guerre Mondiale, d’où des lignes épurées et des formes géométriques. La villa Berliet est par exemple un chef d’œuvre Art nouveau. Depuis sa construction en 1912, les murs et décors sculptés n'ont pas bougé, les verrières signées Jacques Gruber (le Mucha du vitrail) non plus. La propriété, son parc et son petit lac ne se visitant pas en temps normal, on gardera toutefois cette adresse en tête pour les prochaines Journées du patrimoine.
Côté 8e, rendez-vous à la Villa Lumière que neuf lyonnais sur dix pensent connaître sans l'avoir vraiment visitée. Celle que l’on appelle aussi le château Lumière, abrite aujourd’hui un musée du cinéma. Ici, le décor semble s’être figé depuis sa construction en 1900 et il fascine parfois plus que les objets du musée eux-mêmes, avec son jardin d'hiver dont la verrière est ornée d'une frise colorée en céramique, son escalier d'honneur à la rampe ornée d'un coq sculpté et surtout, ses paons qui encadrent le lustre en verre du salon d’hiver. Vous y trouverez aussi une reproduction miniature de la villa, réalisée par Dan Ohlmann, l’homme à qui l’on doit les décors du Musée de la miniature dans le 5e. Et sous les toits de la villa, dans l'atelier d'artiste d'Antoine Lumière, c'est une formidable bibliothèque d'archives du cinéma qui vous ouvrira ses portes.
< Dans le parc de la Ceriseraie par exemple, des œuvres d'artistes contemporains (et un parcours de santé) cernent la villa de l'industriel Gillet. Laquelle aujourd'hui une institution culturelle, la bien-nommée Villa Gillet. La gigantesque demeure est en effet devenue propriété de la Ville de Lyon dans les années 70, lorsque les héritiers de l’empire industriel Gillet n'ont plus été capables d'en assumer l’entretien. Les portes de son hall de marbre et de fer forgé s’ouvrent ainsi au gré des rencontres intellectuelles programmées et ont notamment vu passer François Bon, Nancy Huston ou encore Luc Ferry. Lui faisant face, sur la colline qui prie, le petit jardin des Curiosités a été rénové par une équipe de paysagistes montréalais et l’agence de designers urbains Daoust Lestage (qui s’est notamment chargée du réaménagement de l'assemblée nationale du Québec). Intimiste et presque confidentiel, son entrée se cachant au fond d'une place, il tire sa particularité précisément du fait que les designers se sont effacés pour laisser place au paysage, ont choisi de mettre modernité au service de l'histoire et ainsi accoucher de l’un des plus beaux belvédères de Lyon. L'espace est agrémenté par les chaises du sculpteur Michel Goulet, dont les œuvres en acier, laiton ou bronze jalonnent les parcs et places montréalais. Vous pourrez au choix vous asseoir pour admirer la vue ou tenter de déchiffrer ce qui est sculpté sur leur assise. Les yeux de lynx apercevront au loin une flèche qui pointe son nez derrière le crayon de la Part-Dieu : il s’agit de l’hôtel de ville de Villeurbanne, votre prochaine destination. Ce qui s'est notamment traduit à l’époque par la création de plus de 1400 logements dotés du chauffage et de l’eau courante. La zone est aujourd’hui labellisée « utopie réalisée » et peut être appréciée plus en détail lors des visites guidées organisées par le Rize. On y apprend au passage que le maire de l’époque, Lazare Goujon, a d'abord fait appel à Môrice Leroux, l'architecte des Gratte-ciel, pour concevoir le Théâtre National Populaire. A l’origine baptisé Palais du travail, le bâtiment (situé d’ailleurs sur la place Lazare Goujon) était alors le représentant d’un idéal de vie républicain. On y accueillait alors activités intellectuelles, artistiques et syndicalistes. Une sorte de temple laïque doté… d’une piscine souterraine ! Tout aussi insolite : sur la première pierre de l’édifice est gravé l’un des commandements du projet de l’époque, « 8h ». Un bien étrange message qui symbolise la lutte des ouvriers pour les journées de travail de huit heures. A force de réalisations de cet ordre, le tandem Leroux/Goujon deviendra à Villeurbanne ce que l'architecte Tony Garnier et le maire Edouard Herriot ont été pour le quartier des États-Unis. Les Gratte-ciel, sont d'autant plus mis en valeur par les visites du Rize que celles-ci s'accompagnent de la découverte d'un appartement témoin des années 30, le site ayant été inauguré en 1934. Suivra l’hôtel de ville de Villeurbanne, situé au bout de l’avenue Henri Barbusse et que l’on doit à Robert Girou. Un superbe compromis entre sobriété antique et universalité, depuis les fontaines symétriques de la place à son immense beffroi, en passant par ses colonnes cannelées. Un esperanto de l’architecture en somme !
Infos pratiques
► Fondation Berliet
39, avenue Esquirol, Lyon 3
► Institut Lumière
25 rue du Premier-Film, Lyon 8
► Jardin des curiosités
Au fond de la place de l’abbé Larue, Lyon 5
► Villa Gillet
25 rue Chazière, Lyon 4
Prochaines visites des Gratte-Ciel le 28 mai à15h et en vélo samedi 14 mai à 15h.
Audioguide dispo sur www.utopies-realisees.com
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