Le beaujolais nouveau ne saurait tarder… En attendant, parlons de ceux qui ont fait sa réputation à Lyon : les compères Guignol et Gnafron et leur sérieux penchant pour le vin d'ici.
Égérie des produits dérivés lyonnais, idole des touristes et des enfants, Guignol est partout à Lyon… Au point qu'on en arrive à oublier l’histoire de cette marionnette bicentenaire qui a donné aux Lyonnais le goût du Beaujolais. Car au XIXe siècle, Guignol n’est pas un spectacle pour enfants. Guignol a le parler franc (voire subversif, surtout quand la démocratie est mise à mal) et le gosier sec. D’où son amitié avec Gnafron, « regroleur » (cordonnier) et adepte invétéré du Beaujolais. Et sa femme Madelon de craindre que leurs économies ne disparaissent en dépenses avinées. Les aventures de Guignol sont en fait celles du petit peuple lyonnais, victime de la crise et bien obligé de se débrouiller, se moquant parfois des pouvoirs publics, refusant les injustices, le tout sur le ton de la satire et à renfort de comiques de situation et de répétition. Ne dit-on pas « faire le guignol » ? In vino veritas « Gnafron, l'intrépide consommateur, qui, grâce au beaujolais, maintient sa verve en éveil, méprise les embiernes de l'existence, garde l'âme sensible, l'esprit fraternel, et arbore fièrement sur son nez les couleurs de sa belle : la vigne. », disait Justin Godart, à qui l’on doit nombre d’ouvrages sur l’histoire de Lyon. Au début du XIXe siècle, Laurent Mourguet est un canut sans travail, et ce en pleine période de crise. Au fil des petits boulots, il devient arracheur de dents et sculpte à cette occasion une marionnette censée détourner l’attention des patients au moment fatidique… Ainsi trouve-t-il sa voie : le voilà marionnettiste en compagnie du père Thomas, amuseur public, joueur de violon et passionné de la bouteille. Cet alcoolisme latent mettra d'ailleurs un terme à la collaboration entre les deux hommes. Pourtant quand, en 1808, Laurent Mourguet crée les marionnettes de Guignol et Gnafron, on croit reconnaître quelques traits de similitude entre le père Thomas et un Gnafron à la peau couperosée et à la bouche édentée. Quoi qu’il en soit, c’est une bouteille de Beaujolais à la main que les deux marionnettes se moquent des injustices. Et si ce vin léger, peu alcoolisé et bon marché plait depuis longtemps aux Lyonnais, c’est bien à Guignol et à Gnafron qu’il le doit. En 1928, Léon Daudet écrivait même : « Il coule à Lyon un troisième fleuve, le Beaujolais, qui n’est jamais limoneux, ni à sec. » Sur les traces de Guignol… Aujourd’hui, le public a beau avoir changé et le discours perdre en acidité, l’esprit populaire de Guignol plane toujours sur Lyon. Ainsi, les enfants seront ravis de le rencontrer au théâtre Guignol (65 boulevard des Canuts, Lyon 4ème), au théâtre Guignol du parc de la Tête d’Or, l’un des plus vieux théâtres du genre ou au théâtre Le Guignol de Lyon (2 rue Louis-Carrand, Lyon 5ème). Sans oublier le musée Gadagne (1 place du petit Collège, Lyon 5ème) qui, autour de Guignol, Madelon et Gnafron, regroupe dans son musée international de la Marionnette plus de 2 000 marionnettes de tous types et de tous pays. Mais c’est au cœur même de la ville, au-delà de cette imagerie pittoresque, que l'héritage de Guignol est le plus remarquable. Évoquons par exemple l’horloge Charvet. On la trouve au croisement de la rue Edouard-Herriot et de la rue de la Poulaillerie, dans un recoin. En 1864, l’horloger Charvet obtient le droit de placer en façade, contre sa boutique, une grande horloge qui abrite en son sein quatre marionnettes : Guignol et Gnafron, les deux locaux de l’étape ; et deux italiennes, Arlequin et Polichinelle. Les marionnettes donneront gratuitement l’heure à des générations de Lyonnais, jusqu’en 2005, année où les lointains successeurs de Charvet décident de vendre l’horloge aux enchères. Levée de boucliers de la part de la population qui refuse de se défaire de ce petit morceau de patrimoine. Depuis, les marionnettes prennent la poussière et les aiguilles de l’horloge ne fonctionnent plus. Mais Guignol et Gnafron sont toujours là, bien présents dans les esprits lyonnais.Crédits photo : Marie Signoret
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