Consommation démesurée, technologies envahissantes, journées de travail interminables, saturation d’informations… Notre société va-t-elle trop vite ? Si l’on en croit la philosophie du mouvement « slow », prônant la lenteur et le retour aux sources dans de nombreux domaines de la vie, la réponse est oui.
Tout commence en 1986, en Italie, lorsque le chroniqueur gastronomique Carlo Petrini, entouré de quelques collègues, s’oppose à l’implantation d’un Mc Donald’s en plein cœur de la Rome historique et choisit de nommer son initiative Slow Food. Dès lors, de nombreux restaurateurs et gourmets, sceptiques face à la généralisation de la restauration rapide, décident de rejoindre le mouvement qui devient, en 1989, une organisation internationale.
Dix années plus tard, toujours en Italie, plusieurs maires de petites villes, influencés par la philosophie Slow Food, décident de créer l’association Cittaslow qui réunit des communes cherchant à ralentir le rythme de vie de leurs citoyens (présence de zones piétonnes, limitation du bruit, développement des commerces de proximité). Devenue un label, Cittaslow regroupe aujourd’hui 262 villes de moins de 50 000 habitants, réparties dans une trentaine de pays.
Au fil des années, cet éloge de la lenteur prend forme dans de nombreux domaines : le tourisme, l’éducation, le travail, les transports, la science et même la démocratie. Des chercheurs s’emparent de la question et plusieurs livres, prônant l’urgence d’un ralentissement général, sont publiés.
Vincent de Gaulejac, professeur émérite à l’université de Paris et président du Réseau international de sociologie clinique, définit ainsi cette tendance « slow » : « C’est l’autre face d’une société dans laquelle l’accélération est permanente, dans tous les registres de la vie.
Le capitalisme financier et la révolution numérique ont créé une culture de l’urgence, un culte de l’immédiateté et de l’intensité. Tout doit aller très vite et les journées doivent être bien remplies. Ne rien faire est vécu comme un vide. Le mouvement slow est une forme de résistance à ce formatage. »
« Un mouvement plus existentiel que politique »
Vivre lentement, c’est, par exemple, s’accorder de longues pauses sans culpabiliser, privilégier le vélo ou la marche, propices à la contemplation, se soumettre aux contingences de la nature, mais aussi prendre le temps de cuisiner chez soi de bons produits plutôt que de gober un sandwich devant son ordinateur…
Une nouvelle façon de penser le quotidien dont les conséquences restent, cependant, peu visibles : « C’est un mouvement plus existentiel que politique donc ce n’est pas très spectaculaire. Cela peut sembler marginal mais c’est très profond. Ces gens changent leur mode de vie, petit à petit, à bas bruit », estime Vincent de Gaulejac.
Ces dernières années, la revendication de la lenteur fait beaucoup parler d’elle dans les médias et pourrait sonner comme un effet de mode un peu bobo. « Peut-être, mais cela s’inscrit de toute façon dans une dynamique plus globale, celle de l’écologie. Il ne s’agit que d’un aspect de la lutte pour la préservation de la planète qui, elle, ne cessera pas.
Et puis, certaines personnes sont obligés de ralentir. Les personnes âgées, qui sont de plus en plus nombreuses, cultivent le “slow” sans le savoir », affirme Vincent de Gaulejac. L’éloge de la lenteur est surtout l’occasion, pour l’humanité, de faire son examen de conscience. Et en attendant que les mentalités évoluent durablement, il peut être judicieux de relire une célèbre fable, signée Jean de La Fontaine qui, en 1668 déjà, prenait le partie de la tortue...
Crédits photo : Pxhere
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