Depuis plus de dix ans, la bière made in Lyon se développe à toute allure. Dans le Rhône, on dénombre près d’une quarantaine de brasseurs et des centaines de recettes différentes. À l’occasion du Lyon Bière Fastival, la rédaction se plonge (avec modération) dans le monde de la bibine made in Lyon.
Nous venons de faire notre quatre millième brassin depuis la réouverture de la micro-brasserie en 2004. Nous avons donc passé le cap du million de litres produit, soit 4 millions de demis servis à table”, annonçait la Brasserie Georges fin mars. Une barre symbolique dépassée qui incarne au mieux le renouveau de la bière made in Lyon. Arrêtée dans les années 70, la célèbre brasserie au décor art-déco a suivi le mouvement initié quelques années plus tôt.
TERRE SAINTE
En effet, en 1997, Christophe Fargier et ses acolytes se lançaient dans l’aventure Ninkasi du côté de Gerland inspirés par les USA où les micro-brasseries étaient déjà en plein essor. “En France, la mode de la bière craft [artisanale, NDLR] a émergé à la fin des années 90 avant de prendre une plus forte dynamique autour de 2005, et aujourd’hui, cela se développe de façon exponentielle” explique Elisabeth Pierre, zythologue [sommelière de la bière, NDLR] réputée dans toute la France. À Lyon, après un temps calme au début des années 2000, les microbrasseurs lyonnais se développent aussi vite que la mousse d'une bière trop secouée.
On estime qu’en France, une brasserie ouvre chaque jour
“Ce mouvement est loin de s’arrêter. Aujourd’hui, on estime qu’en France, une brasserie ouvre chaque jour” énonce Emmanuel Gillard, zythologue belge installé à Grenoble. Avec son très sérieux Projet Amertume, le spécialiste belge répertorie le marché et répertorie scrupuleusement la moindre ouverture de brasserie en France. Aujourd’hui, à Lyon et dans le Rhône, Emmanuel Gillard en dénombre pas moins de 36 ! Un chiffre logique pour le zythologue : “Depuis des années, Auvergne-Rhône-Alpes est la première région de France en terme de nombre de brasseries. Lyon et les alentours incarnent, logiquement, une des terres saintes de la petite mousse”.
RETOUR AU LOCAL
Dans le Grand Lyon, on a compté près d’une dizaine de brasseurs différents. Loin d'être concurrents, c'est plus la franche camaraderie et l’envie de faire mousser ensemble le mouvement craft qui règne entre ces joyeux drilles. Fun fact et autodérision, ils échangent des infos entre eux via un groupe WhatsApp qu'ils ont baptisé l’Amicale Heineken Lyon.
Parmi eux, Tom et Coline, qui ont lancé Tom & Co en mai 2018, sont loin des millions d’hectolitres produits chaque année par les industriels. L’an dernier, environ 200 hectolitres sont sortis de leur petit laboratoire installé sur les pentes de la Croix-Rousse. Ainsi, le duo incarne bien l'archétype de ce renouveau de la bière made in Lyon : petite production au cœur de la ville. À tout juste un saut de puce de l'Hôtel de Ville, on ne peut pas faire plus ultra-urbain. “Après une première vie à l’étranger, on voulait communiquer notre passion autour de la bière. Expliquer les différents styles qui existent et surtout revenir au local” raconte Coline.
La bière n’échappe pas à l’avènement de l’envie de mieux connaître l’origine des produits de la part des consommateurs
Un dernier avis largement partagé par Elisabeth Pierre. “La bière n’échappe pas à l’avènement de l’envie de mieux connaître l’origine des produits de la part des consommateurs.” Un mouvement qui va en grandissant, car des passionnés lancent désormais des houblonnières locales autour de Lyon, comme le Houblon du Moulin qui est actuellement en train de planter son houblon.
NON HOMOGÉNÉISATION
Les produits de qualité est le premier pilier de l’essor de la craft, la variété des goûts en est un autre. “Les consommateurs veulent goûter d’autres saveurs. Après des dizaines d’années d’industrialisation du secteur avec de très grands brasseurs, on en était arrivé à une homogénéisation des goûts et des méthodes de production. Dans les années 80, on ne comptait plus que 20 grandes brasseries qui fabriquaient quasi la même pils. Il n’y avait que l’étiquette qui changeait” résume Emmanuel Gillard. Depuis, les choses ont bien changé. Les quelque 1 500 brasseurs répertoriés par le Projet Amertume multiplient les initiatives et expérimentations pour proposer de nouvelles saveurs aux amateurs de belles bibines. Évidemment, 90% d’entre eux se sont mis à l’India Pale Ale (voir ici) ; mais ils vont plus loin.
Dans les années 80, on ne comptait que 20 grandes brasseries qui fabriquaient quasi la même pils. Seule l’étiquette changeait
Chez Tom & Co, on produit quatre recettes fixes et trois recettes plus étonnantes. “Par exemple, notre Glencoe présente des saveurs boisées grâce à des copeaux de chêne qui ont macéré dans du whisky et qui ont ensuite infusé dans le brassin” illustre Coline.
La plupart des brasseurs jouent les alchimistes du demi. On retrouve ainsi Ludovic du Platypus Brewpub, installé du côté du Cours Charlemagne (Lyon 2e). “Les amateurs de bières sont de plus en plus nombreux et, surtout, de plus en plus curieux ! Du coup, pour alimenter cette demande, il faut des nouveautés. Dans notre pub,on propose à la tireuse des “lab”, c’est-à-dire des bières brassées en petite quantité, jamais plus de six fûts” raconte Ludovic.
Une tendance au renouveau qui inspire d’ailleurs les industriels. “Pour la première fois depuis des années, on voit la consommation de bière par habitant repartir à la hausse grâce à ce marché foisonnant. On assiste même à une sorte d’inversement des méthodes, où certains industriels désormais s’inspirent des goûts et adoptent les codes de la craft” se félicite Emmanuel Gillard, avant d’ajouter : “cela va dans le bon sens car, finalement, peu de consommateurs ont accès aux caves à bières.”
YEUX DANS LES YEUX
Boire bon, local et différent, c’est bien. Mais si, en plus, on peut tailler la bavette avec le producteur de la binouse, c’est encore mieux. C’est ainsi que, depuis quelques années, on assiste à la naissance de plusieurs brewpubs locaux. Le concept est simple : c’est un bar où le brasseur vend sa propre bière brassée sur place. Parmis ces pionniers, on pourra citer Platypus (Lyon 2e), le Bieristan (Villeurbanne) ou encore le Malting-Pot (Lyon 8e).
“Ce phénomène a le vent en poupe. Le consommateur peut directement échanger les yeux dans les yeux avec l’artisan qui a fait sa bière et, pour le brasseur, c’est bien plus rentable pour aller vers un modèle économique viable. Ils peuvent commercialiser directement leur production presque du fût au verre et ils évitent tous les frais engendrés par le marketing et la commercialisation” décrypte Emmanuel Gillard. La mousse n’a pas fini de monter entre Rhône et Saône.
En bref, à Lyon, c’est Les Fûts de l’Amour.
Crédits photo : Les bières lyonnaises au sommet © Gilles ReboissonInfos pratiques
Brasserie Georges / 30 Cours de Verdun Perrache (lyon 2e) / www.brasseriegeorges.com
Platypus Brewpub / 32 Cours Charlemagne (Lyon 2e) / www.facebook.com/platypusbrewpub/
Tom & Co. / 5 Rue des Capucins (Lyon 1er) / www.tomandcolyon.com/accueil
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