Tout le monde s’accorde à le dire, 2018 fut une année ensoleillée et chaude, voire un peu trop, rendant l’urgence climatique évidente. Pour se rafraîchir dans les années caniculaires à venir, visite de quelques lieux qui ont trouvé comment faire du froid sans consommer d’énergie… il y a plus de 150 ans.
À Correncon-en-Vercors, tout près du golf, un trou s’ouvre dans le massif laissant s’échapper un air frais. Cette faille naturelle est une glacière, profonde d’une quinzaine de mètres, et intensément exploitée par l’homme.
Au XVIIIe et XIXe siècle, seuls les plus riches des habitants de la vallée en profitent, puis les administrations et les professionnels, cafetiers et épiciers en tête. De la glacière du Vercors, la matière première extraite à l’aide d’un traîneau, puis conservée dans un mélange de sciure de bois dans les chariots, descendait dans la vallée. Ainsi, pendant longtemps, les armoires à glace de Grenoble (les authentiques) étaient approvisionnées toutes les semaines.
Les caves de la Frise
Épicière à Eybens dans les années 70, Colette Saget se souvient avoir été approvisionnée pour remplir son armoire à glace. Le chariot est alors déjà remplacé par le camion. « Il alimentait un frigo en bois d’un 1m70 de haut.
On y entreposait nos yaourts, le lait ou la charcuterie. C’était énorme et toutes les semaines, on y mettait les pains de glace dans le bas », sourit en se souvenant la sémillante octogénaire qui a vite fait changer cette antiquité. « Eybens était alors populaire, et le village n’était pas encore peuplé de tous ces grands immeubles », décrit Colette Saget.
Outre avoir tenu cette épicerie, elle occupe aujourd’hui 1000 m2 d’une petite cathédrale, toujours à Eybens : les caves de la Frise. Elles sont constituées de quatre cavités distinctes mesurant une dizaine de mètres de hauteur et disposant d’une voûte arrondie en brique.
Pour la découvrir, il suffit de remonter dans la rue des Arraults et franchir, entre deux bâtisses anonymes construites à flanc de colline, une porte en pierre magistrale. Détenue par la brasserie du même nom installée près de la gare de Grenoble, la cave de la Frise pouvait garder une température de 0 ° en étant approvisionnée, par le plafond troué, de gigantesques blocs de glace. Cela a permis, depuis leur construction en 1867 jusqu’en 1939, à la brasserie d’affiner au moins
30 000 hl de bière. Aujourd’hui, deux d’entre elles sont utilisées par Colette Saget et l’association Germ pour développer une champignonnière.
Le Clairefontaine
Le réemploi immobilier est aussi de mise à Grenoble. Connu jusque-là sous le nom La Clairefontaine, le restaurant de la rue Beccaria cache une ancienne glacière, devenue la salle de réception principale du restaurant. Cette salle ronde et voûtée a navigué sous les attributions : d’abord une salle d’armes, puis appartenant à l’ancienne caserne de gendarme, ou chapelle de la prison Saint-Joseph, qui s’étendait à la place du Pathé Chavant.
Un nouveau patron est d’ailleurs attendu en ce début d’année dans le curieux restaurant. Les constructions humaines ont donc perduré, jusqu’à nous, et pourraient bien permettre un abri frais lors des coups de chaud prévus. En revanche, les cavités naturelles disparaissent petit à petit : la glacière de Corrençon nous le prouve. Jusque dans les années 60, la glace s’y élevait encore à 4 mètres de hauteur, mais aujourd’hui, sa présence est presque anecdotique. Elle est de toute manière fermée aux visites depuis 30 ans à cause des éboulements.
J.B.A
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