Connu pour avoir accueilli un gang dans les années 70, le quartier est aujourd’hui au cœur d’une réflexion urbanistique. Les bâtiments vieux d’un siècle vont être rénovés entre 2020 et 2023. En attendant, c’est le stand-by.
En 1925, Al Capone contrôle Chicago et le business de l’alcool. En pleine prohibition, le gangster se remplit les poches. À ce moment, à Grenoble, la cité-jardin de l’Abbaye est construite. Le sud de la ville, qui va accueillir de nombreux ouvriers, n’est alors qu’un vaste champ.
Aujourd’hui, sur la place de la Commune, il y a un marché sur le bitume. De là, on peut embrasser tout le quartier. À gauche, une curieuse église en forme de coquillage est occupée par une communauté arménienne. À droite, les fameux HBM (Habitat Bon Marché) de 1920.
Composée de 15 bâtiments (en fait 14, l’un d’entre eux a été détruit en 2017) et 244 logements, la cité forme une vraie nouveauté architecturale. Tels des chalets d’altitude, on remarque les toitures biseautées, les pierres d’angles presque bruts et des colombages décoratifs.
L’an dernier, la mairie et Actis, le bailleur social, menaçaient de tout détruire pour reconstruire. Les travaux de rénovation seraient trop chers. « Il est dur de trouver des partenaires pour réhabiliter ces barres, tout en conservant le patrimoine », constate Thierry Chastagner, élu à la Ville de Grenoble, qui a pourtant fait le choix de la réhabilitation.
« On attend de savoir si l’État va participer au financement », assure-t-il en pensant à une rénovation à partir de 2020. En attendant, les anciennes barres sont à l’abandon ou presque. Il y a bien quelques passants, et deux habitants qui retapent une voiture.
Et puis, une porte s’ouvre. Un petit tour dans les étages permet de constater que les portes blindées empêchent tout squat quand les caves sont complètement retournées. Seule une quarantaine d’habitants irréductibles vivent encore dans ces appartements.
Gitans et quartier populaire
Ces immeubles ont accueilli tous les nouveaux venus à Grenoble et les vagues d’immigration se succèdent. Les Italiens et les Maghrébins sont rejoints par les Gitans. Ces derniers avaient déjà posé leurs tentes et leurs roulottes sur les champs de l’Abbaye, mais ont dû se sédentariser quand le lycée Jean Bart (devenu André Argouges) est inauguré en 1966.
C’est justement dans ce quartier qu’est née, dans les années 70, la « bande de l’Abbaye », de jeunes gangsters désireux de marcher sur les plates-bandes de la mafia dominante d’alors : les Italos-Grenoblois. Au départ spécialisée dans le braquage de banques et de bijouteries, la bande s’intéresse à la prostitution, aux machines à sous et aux stupéfiants.
Une terrible guerre de 25 ans pour dominer le secteur est lancée, qui fera des dizaines de victimes. Les Gitans ont imposé leur loi, un temps. Puis, le marché de la drogue s’atomise dans les années 90, pour aboutir à une répartition de territoire que l’on connaît.
La nuit porte conseil
Le quartier s’est calmé depuis. Parfois une voiture sportive accélère et pétarade dans l’avenue Jeanne d’Arc. Le mardi de notre visite, quelques personnes se rendent à la maison des habitants, et viennent échanger avec le DAL 38 (luttant pour que tout le monde ait un logement décent) qui y tient une permanence.
Certains tentent de trouver un endroit où dormir. D’autres, parfois étrangers, demandent conseil face à une paperasse administrative déroutante. À quelques mètres de la place, sur la rue Argouges, une autre maison accueille l’association le Tremplin qui héberge des SDF en convention avec la Ville.
Le quartier garde cette fibre sociale et ce réseau, propre aux quartiers populaires où l’entraide prime. En 2018, après de nombreux ateliers et réunions de concertation entre les habitants et la Ville, l’avenue, la place du marché et les immeubles devraient être rénovés quand deux autres bâtiments de la cité devraient tomber. Même si les années 20 sont loin, la cité, elle, devrait rester là.
JBA
Crédits photo : JBA
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