Les JO de Grenoble ont révolutionné l’univers urbain grenoblois. Le massif du Vercors a lui gardé des traces indélébiles de l’événement. Des équipements gigantesques y ont été bâtis qui s’avèrent plus coûteux que bénéfiques. Ce sont les éléphants blancs.
Armés de balais, les riders nettoient les feuilles mortes entassées sur la piste de luge olympique de Villard-de-Lans. À l’époque longue de 1 100 m et illuminée par 132 poteaux, elle se trouve désormais ceinte d’une végétation luxuriante et résiliente. Aujourd’hui, ce couloir de béton est utilisé une fois l’an, en été, par l’association Union rurale à roulette. Durant deux jours, les descendeurs s’offrent l’équipement olympique, casques vissés sur la tête, et de cuir vêtu. Lorsqu’ils repartent, la piste grise se recouvre petit à petit de neige et tombe dans l’oublie, invisible aux regards.
Le saut de béton
Le bâtiment des JO qu’on oublie moins se situe à 35 min plus au nord. Le tremplin du Dauphiné à Saint-Nizier-de-Moucherotte domine. Cette rampe de lancement de 90 m, évidemment construite en béton sur une pente importante, a nécessité de terrasser la montagne et de déblayer plus de 280 000 m2 de rocs. Bâtie en seulement 40 jours, la piste d’élan est composée d’imposantes dalles : la plus lourde atteint les 3,8 tonnes.
Décrit comme l’un des « plus beaux tremplins du monde » par le rapport officiel des JO de 68 — on a dit la même chose de la maison de la culture à Grenoble — il est aujourd’hui en ruine. La raison ? Les travaux débutant en plein hiver 67, il a fallu chauffer le béton grâce à des résistances électriques, ce qui altéra sa solidité. Les signes de fatigue sont nombreux.
Pour ces raisons, il est difficile d’envisager une seconde vie à cet équipement si spécifique et si mal au point. Le journaliste de FR3 Daniel Despin, n’hésitait pas, lui, à parler d’une image « désastreuse d’abandon, de laideur et d’obsolescence » en 1998. À cette époque, le maire de Saint-Nizier espérait l’installation d’un espace de loisir, avec départ de randonnées et musée. Aucun n’a abouti.
En 2017, l’économie a évolué, et c’est désormais une start-up qui est sur les rangs pour reprendre le tremplin. La réhabilitation de la structure attendra puisque le jeune entrepreneur Théo Micheletti compte nettoyer les tags et veut « travailler avec le milieu du street art pour habiller le tremplin ». Des courses de VTT et de trail seront aussi organisées autour du site en avril. Un projet qui confine à la réutilisation de l’image des JO. Pour la réhabilitation, on repassera.
La route fantôme
Si l’on veut vraiment sauter dans le Vercors, il reste le tremplin, plus modeste, d’Autrans. C’est d’ailleurs depuis cette ville que débouchait la D 218. Cette départementale, créée pour les Jeux afin d’acheminer les visiteurs venant de la vallée du Rhône, permettait de raccourcir le voyage.
Cette route bricolée rapidement fut « malencontreusement » tracée le long d’un versant instable. Certes, pendant les Jeux, la voie est fonctionnelle. Cependant, au bout de quelques années, des tonnes de rocs chutent et coupent la voie. Après les éboulements à répétition, la D 218 est définitivement abandonnée le 20 avril 1992. Près de 20 000 m3 emporte la route de montagne, et le Département, chargé de son entretien, jette l’éponge. Elle reste pourtant accessible à pied et l’on peut même atteindre le tunnel du Mortier, dont l’entrée est marquée par une vague de béton. Les rochers ont totalement recouvert la route, mais les plus persévérants rejoindront le petit patelin de Montaud, en contrebas, au bout de 3h de marche. Une heure est désormais nécessaire pour relier les deux villes en voiture.
Si les lieux de souvenirs des JO sont nombreux dans le Vercors, ils renvoient une image des trente glorieuses où les dépenses pharaoniques étaient encore possibles. Ainsi, les deux équipements sportifs ont coûté pas moins de 9 090 000 en francs (soit environ 10,8 millions d’euros) pour une utilisation (presque) nulle aujourd’hui. Dans notre époque austéritaire, un tel choix à de quoi agiter les esprits, 50 ans plus tard.
Crédits photo : Le point de vue reste incroyable depuis le tremplin de Saint-Nizier qui tombe en ruinen © Rémi Pollio
Infos pratiques
Infos pratiques
Piste de luge en béton : rue des Jeux olympiques 1968 à Villard-de-Lans
Saut à ski : chemin de la Roche à Saint-Nizier-de-Moucherotte
La D 218 est coupé depuis le Refuge de la Grande Poya (côté Autrans) jusqu'au hameau du Coing à Montaud.
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