Encerclé par les sommets, l’Homme grenoblois a essayé de les imiter en bâtissant des montagnes de béton. En 1968, les tours de l’Île Verte et du Village Olympique émergent et changent radicalement la morphologie de la ville. Depuis, les tours géantes ne poussent plus.
Lorsqu’on évoque les immeubles grenoblois, une image s’impose à tous : les trois mastodontes de béton sur l’Île Verte, hauts de 100 m. Surtout, on se surprend à admirer, à toute heure de la journée, les jeux de lumière accentués par les loggias construites en creux sur ces façades blanches reflétant le soleil. Une chose est sûre, au pied de ces 31 étages, on se sent comme une fourmi. C’était bien là l’objectif de ces tours, « des édifices de grandes dimensions se confrontant directement avec le paysage », d’après les documents d’urbanisme de la mairie. L’architecte Roger Anger, missionné à l’occasion des JO de 1968, a en tête la «Charte d’Athènes » de 1933, écrite sous l’égide de Le Corbusier. Ce dernier y développe son concept de planification et de construction des villes en 95 points. On découvre alors ses idées d’une cité composée de zones indépendantes. Dans
un coin, les loisirs, dans un autre, le travail,dans un troisième, la vie. Pour faire le lien entre ces pôles,
Le Corbusier promeut le tout-voiture, et incite à développer de grands axes routiers tout en laissant peu de place aux piétons.
C’est ce qui a été réalisé au pied des trois tours. Et c’est sur le même plan qu’est bâti le Village Olympique (VO). En 1967, plus d’un milliard d’anciens francs (soit 1,4 millions d’euros) sont investis par l’État à Grenoble. Grâce à cette manne, huit immeubles de 50 m s’élèvent au sud de Grenoble.
La tour Destot
Quarante ans plus tard, au XXIe siècle, c’est au tour de Michel Destot (maire de 1995 à 2014) de rêver d’accueillir les JO de 2018 et
de créer un nouveau quartier sur l’Esplanade. Michel Destot, alors dans son 3e mandat, voulait laisser une marque sur «sa» ville. En 2011, il dévoile ses plans : une vingtaine d’édifices couvraient la place, dont l’une atteint 100 m de haut. Pour Michel Destot, le choix de l’immeuble de grande
hauteur est clair : « Je préfère les barres debout que les tours couchées. Et nous avons une correspondance entre un paysage majestueux de montagne et un certain nombre de tours », s’enflammait alors l’édile pour défendre son Esplanade. Cependant, deux ans plus tard, le projet est retoqué par le tribunal administratif. Destot n’aura ni la tour, ni les JO.
Les « petites » tours d’aujourd’hui
Aujourd’hui, le paradigme est différent. À l’image des premiers immeubles qui s’élèvent sur l’Esplanade, le projet a bien changé depuis l’arrivée de la nouvelle municipalité. Les tours du XXIe siècle ne dépassent pas les 30 m et n’occuperont qu’une partie du quartier. En face, sur l’autre rive de l’Isère, sur la Presqu’île scientifique, le Clos des Fleurs accueille aussi 11 tours à l’architecture hétéroclite. Construites en 2013, elles ne sont pas géantes (on atteint 10 étages et 30 m), mais elles méritent un coup d’oeil puisque le lotissement d’immeubles affiche des choix « innovants ». Sur la rue Henry Duffourd, deux d'entre eux détonnent, avec leurs jeux sur les balcons, formant des vagues blanches. Ils « glissent d’un étage à l’autre, se fragmentent, créent des doubles hauteurs, se gonflent ou se pincent », détaille le cabinet d’archi ecdm, responsable des deux bâtiments. Surtout, ils sont précurseurs de plus grands édifices comme le Panache. Cette tour de 50 m prévue pour la fin 2018 se composera de rooftops où la végétation sera
omniprésente. Les tours n’ont pas fini de pousser. Mais modestement.
Crédits photo : La tour de Belledonne, 31 étages et 100m de haut ©JBA
Infos pratiques
Les trois tours de l'Île Verte : 23, boulevard Maréchal Leclerc.
Les tours du VO : 31, rue Alfred de Musset et 14, rue Maurice Dodero à Grenoble.
Le Clos des Fleurs : 6, rue Henry Duffourd.
Le Panache, en construction : rue Winston Churchill.
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