Au XIXe, l’Homo sapiens grenoblois en a marre de se faire balayer par les inondations (150 durant l’époque moderne). Il met les bouchées doubles pour maîtriser les deux torrents en les blindant de béton. Il célèbre sa victoire avec les fontaines, qui abreuvent bêtes et hommes. En 2017, il y a l’eau courante. Mais l’Homo sapiens est quand même bien embêté : certaines fontaines sont taries. Vieilles ou récentes, elles semblent touchées par le même mal.
L’Homo sapiens aime siroter des demis à la Bobine. Mais face à la chaleur écrasante du mois de juin, l’idée lui vient de tremper ses pieds dans la fontaine des Escargots, toute proche. L’édifice est érigé en 1925 pour l’exposition de la Houille Blanche.
Le bassin reste pourtant bien mignon. Abrité par les immenses branches d’un arbre, des pas japonais permettant de traverser sans une éclaboussure, mais pas besoin ici. Le bassin est vide. Mais pourquoi avoir rajouté ces deux escargots en 2014 ?
Un pipeline de 30 mètres sans eau
Déçu, l’Homo sapiens assoiffé de fraîcheur continue les recherches. En empruntant la rue Joseph Chamrion, près du Stade des Alpes, il se rapproche du quartier Jean Moulin et sa place surélevée.
Datés de 1972, les hauts bâtiments dessinés par Xavier du Tremolet (architecte de la ville) confèrent aux lieux une ambiance hors du temps. On y découvre une fontaine géante qui prenait sa source au sud du parc.
Eh oui, on écrit au passé, puisque l’eau censée jaillir d’une plateforme de béton est maintenant envahie de végétation. La faute au « vandalisme », selon les recherches de jeunes architectes. Elle ne peut plus se déverser dans le pipeline à ciel ouvert de près de 30 m qui guidait l’eau jusqu’au bassin, qui — miracle — est rempli. Reste la structure principale, tristement sèche. Comme la gorge de l’Homo sapiens.
Fontaine stellaire ou de guerre ?
Lorsqu’il reprend la route du centre-ville, l’œil aguerri s’étonne de constater la présence de l’œuvre sur la place Edmond Arnaud. D’énormes sphères sont venues heurter les marches et les ont brisées, tels de petits astéroïdes.
Sculptés dans la pierre ou façonnés dans le métal, ces objets stellaires surprennent par leur incomplétude. De l’eau s’en échappait, mais la source s’est tarie là-aussi. L’auteur, Daniel Jarry, aurait voulu représenté la prise d’une ville par Abd el-Kader, symbole de lutte contre le colonialisme.
Mais où est passé l'homme à la jarre ?
Une autre curieuse fontaine se trouve, tout près, au Jardin de Ville. Au sud du parc, une structure triangulaire de 5 m est posée là, contiguë aux jeux pour enfants et à une pile de pierre. Cet assemblage ne signifie plus rien, mais en 1985, Grenoble y installe la sculpture réalisée par un Grenoblois, Urbain Basset.
Il représente un jeune homme tenant sur son épaule une jarre par laquelle s’échappe l’eau en cascade dans le triangle. La vie de l’œuvre est tourmentée. Au tout départ, elle trône en 1882 sur la place de Verdun, puis au Jardin de Ville. Il surmonte alors un éboulis de pierre, désigné comme « rustique ».
Le jeune homme de bronze est ensuite réquisitionné durant la IIe Guerre Mondiale par les Allemands, mais en réchappe, miraculeusement intact. Elle réapparaît dans les années 50 à Paris et semble être rachetée dans les années 70 par les services de la mairie. Grenoble récupère son œuvre, mais la remise dans un coin.
Ce n’est finalement qu’un siècle après sa construction qu’elle revient trôner au Jardin de Ville, avec ses atours des plus modernes. Depuis, les 500 kilos de bronze du gamin ont de nouveau disparu, et l’eau avec…
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