2000 ans que l’homme foule cette rue. Elle en a vu passer, de la caligae romaine aux baskets lumineuses. Elle révèle des trésors historiques, conservés comme nulle part ailleurs en ville.
Au cours des siècles, l’artère longue de 110 m change de nom : Calnesia, Chaulnesia ou Vocanson. Aujourd’hui, la voie s’apprête à devenir piétonne, après un règne de la voiture lassant. En 2015, la rue qui profite peu du soleil a repris des couleurs en noir et blanc. Les potelés retapés à cette époque se sont mués en totems, grâce au travail des Blacks And White Zulus accompagnés par les jeunes des écoles environnantes.
L’intervention artistique a redonné du lustre à la rue qui a accueilli des personnalités grenobloises. Dans le désordre, elle recueille dans leurs premières années Vaucanson en 1709, inventeur qui léguera son nom à un lycée, Stendhal en 1783, devenu une légende omnipotente. Il aurait beaucoup visité une famille, vivant au 18 de la rue, dans sa tendre jeunesse. Son père ayant un peu la main lourde, il garde un mauvais souvenir de la ville en général, bien qu’il reste la figure historique centrale. Il faut aussi dire que le parcours des lieux est en dent-de-scie. Au départ, la rue est située en dehors des remparts romains, donc considérée comme pauvre. Puis est intégrée dans l’enceinte médiévale du XIVe. Ainsi, le faubourg au fil des siècles s’embourgeoise.
Si l’on commence la visite depuis la place Notre-Dame, le n°8 de la rue est l’exemple de cette richesse, en pierre et poutre. De style Louis XIII, l’entrée est composée de calcaires bicolores et est surmontée d’une double volute. Il est édifié en 1630 par la famille Delacroix, où naissent de très nombreux cléricaux, avocats ou président du Parlement. En poussant la porte en bois cloutés, l’on découvre une superbe cour, et un escalier d’honneur en loggia superposée permettant de desservir les deux immeubles. Certainement l’un des plus beaux de la ville. Les murs orangés renforcent l’impression de s’être téléporté dans le sud de la France.
Un peu plus tard, au n°10 et 12, le visiteur pourra admirer un bâtiment de type gothique. Après avoir traversé l’entrée à trois arches, on débouchera sur une cour, présentant une tour d’angle hexagonale (très répandue dans la rue). À l’intérieur de l’immeuble au fond de la cour, un appartement recèle encore un autre trésor : les poutres ont été peintes à la française et datent du XVIIe. Une visite est tout de même possible avec l’association « Patrimoines et Développement ».
Le quartier doit sa conservation à sa situation durant le XIXe siècle. La rue s’est en effet appauvrie et l’eau courante parviendra à s’installer bien après les quartiers comme Victor Hugo. Ainsi, les rénovations de cette époque ne sont pas légion. Le numéro 20, lui, conserve un vestige médiéval. Au-dessus du bar, on retrouve une moitié de baie géminée, ces fenêtres à la mode au XIVe restent obstinément visibles, malgré les multiples rénovations de la façade. Dans la cour, juste derrière, on repère des piliers de calcaires et de tufs qui ont largement été attaqués par le temps et l’érosion. Mais ils nous sont tout de même parvenus. L’appauvrissement de Chenoise ne l’a cependant pas épargnée des attaques. La fin de la rue, du n° 18 au 32, a été reprise selon les standards du XVIIIe avec ses ferronneries habituelles.
À la moitié du XXe siècle, les premiers travailleurs des colonies s’y installent, dans des chambres détenues par des marchands de sommeil. Des faits divers émaillent son histoire. Mais au début du XXIe, la rue Chenoise s’apprête à changer, encore, par la piétonnisation. Jusqu’à devenir une destination touristique ?
Laisser un commentaire