Obsolescence programmée, surconsommation, gaspillage… les déchets s’accumulent. Face à cet amoncellement envahissant, les pouvoirs publics, les citoyens, les associations et même, parfois, les entreprises s’engagent. Depuis quelques années, Lyon est le terreau fertile pour de plus en plus d’initiatives visant à repousser le plus tard possible le passage par la case poubelle. Analyse de la tendance et petit tour des initiatives locales.
Les fers à souder chauffent, les visseuses vissent et les conseils s’échangent à tout va. Cette scène est l’une de celles auxquelles les curieux ont pu assister en passant un moment du côté de l’Open Bidouille Camp.
Organisé pour la première fois à Villeurbanne le 8 octobre dernier, l’événement a réuni toute sorte d’initiatives citoyennes dont une bonne part avait pour but de limiter la création de déchets grâce à la débrouille.
Avec la montée des thématiques écologiques dans le débat public, la société est de plus en plus sensibilisée aux problématiques liées à la limitation des déchets, à la surconsommation ou à l’obsolescence programmée. C’est un fait, aujourd’hui on réfléchit à deux fois avant de jeter (voire d’acheter) quelque chose et on se met à réparer, bricoler, bidouiller ou recycler.
PRISE DE CONSCIENCE ET ACTION
Avant, la problématique des déchets n’était saisie que par les structures d’insertion qui permettaient à des personnes en difficulté de retrouver un chemin vers une activité professionelle et une certaine dignité.
“Mais depuis une petite dizaine d’années, voire moins, il y a une véritable prise de conscience : le déchet devient sexy. C’est le résultat de la sensibilisation de la société grâce à l’action des pouvoirs publics, des associations et de certains documentaires choc”
C'est l'avis de Martin Durigneux, le président de l’association lyonnaise Anciela qui accompagne beaucoup de porteurs de projets agissant sur ces thématiques.
Un point de vue partagé par Adrien Martinière, co-organisateur de l’Open Bidouille Camp :
“Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas l’aspect économique qui est le plus cité par les participants, mais plutôt l’envie d’agir”.
Une prise de conscience citoyenne qui n’a pas manqué non plus de faire réfléchir certains industriels. Notamment du côté de l’aspect comptable du problème. Depuis quelques années, l’éco-comptoir lyonnais Frich’market récupère des matériaux inutilisables dans des usines ou des ateliers afin de les proposer à bas coût à tout un chacun.
Ainsi, PVC, medium teinté, tissus, panneaux de bois et même des pièces de mercerie finissent à la vente au Frich’market. “Tout le monde y trouve son compte. Les entreprises ne payent pas pour le traitement des déchets et les consommateurs trouvent des matières premières très peu cher”, résume Léa Loctin, la salariée du comptoir.
BRICOLAGE ET PARTAGE
Une vague de fond qui a fait naître une nouvelle génération de consommateurs, ceux que l’on appelle les consomm’acteurs. Ceux qui agissent par et sur leur consommation. “Être acteur, c’est choisir de ne plus être passif et de prendre les choses en mains. Les gens veulent mettre les mains dans le cambouis pour agir directement par leurs actes”, ajoute Martin Durigneux.
Cette reprise en main va de paire avec l’émergence de nombreux ateliers où les bonnes pratiques s’échangent pour limiter la surconsommation et ainsi faire la nique à l’obsolescence programmée.
C’est le cas des nombreux ateliers de réparation de vélos qui existent depuis des années comme le Recycleur ou, plus récemment les ateliers de réparations comme l’Atelier Soudé. Selon Clément Poudret de l’Atelier Soudé :
“Ici, les gens viennent avec un objet en panne et nous les accompagnons pour leur apprendre à faire les réparations eux-mêmes”,
Derrière l’accompagnement pratique autour du bricolage, le but de ces associations est de redonner le pouvoir aux consommateurs.
“Bien souvent les pannes proviennent d’une petite soudure à refaire ou du changement d’une petite pièce. On démystifie et balaye les peurs des gens qui viennent nous voir ! Ils ont un désir d’apprendre pour pouvoir décider par eux-même si leur objet est réparable ou bon à jeter”, argumente Clément.
Une envie de partager les savoirs qui touche toutes les couches de la population et beaucoup de femmes ! Si l’on en croit les chiffres fournis par l’association, 70 % des 160 adhérents sont des adhérentes. De quoi faire tomber le mythe du mâle bricoleur !
DONNER, DONNER, DONNER
Parallèlement à l’explosion du bricolage maison pour lutter contre l’accumulation des déchets, un autre phénomène s’impose près de chez nous : le don ! Encore une fois, ce sont les associations caritatives comme Emmaüs ou le Foyer Notre-Dame des Sans-Abris qui étaient sur le créneau les premières grâce à leurs dépôts de vêtementsou de meubles.
Mais aujourd’hui, le don a le vent en poupe. Tout le monde n’est pas bricoleur alors pour éviter de jeter, on donne. On a notamment vu l’apparition de la première GiveBox en fin d’année 2014. Aujourd’hui, dans la métropole, on compte des dizaines de ces boîtes bricolées où l’on peut déposer les objets qu’on ne veut plus utiliser.
Depuis l’an dernier, la Métropole de Lyon s’est emparée elle aussi du sujet en ouvrant des donneries. Au sein de neuf déchetteries du Grand Lyon, les habitants sont invités à venir donner les objets dont ils veulent se débarrasser afin qu’ils soient revalorisés.
En fonction de leur nature, ils partent ensuite dans des associations pour être réparés, démontés pour pièces ou être revendus. Un investissement estimé à près de 200 K€ par an.
“Chaque année, sur les 130 000 tonnes de déchets qui transitent dans les déchetteries, un quart part en enfouissement, soit 32 000 tonnes. Grâce aux donneries, en neuf mois d’activité, nous avons pu détourné plus de 8 000 tonnes de l’enfouissement” se félicite Emeline Baume, l’élue Europe Ecologie Les Verts en charge du dossier au Grand Lyon.
D’ici 2017, quatre nouvelles donneries devraient voir le jour. L’occasion de revisiter le tube d’Enrico : “donnez, donnez, do-onnez. Donnez pour ne pas jeter”.
Infos pratiques
> ANCIELA : www.anciela.info
> OPEN BIDOUILLE CAMP : openbidouille.net
> FRICH’MARKET : www.frichmarket.com
> DONNERIES DU GRAND LYON : www.grandlyon.com
> EMMAÜS : www.emmaus-lyon.org
> NOTRE-DAME DES SANS-ABRIS :www.fndsa.org
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