La porte se verrouille derrière nous. Nous commençons alors à fouiller minutieusement les recoins les plus improbables. Ce sont les conseils du game master dispensés pendant le briefing, stressant. Maintenant que nous y sommes, tout ne se passe pas comme prévu.
Dur de se coordonner à 5 joueurs. Il faut fouiller, oui, mais aussi communiquer, s’organiser pour rassembler des indices, leur trouver du sens – pas évident -, dénicher des objets, des clés qui nous aideront à résoudre les énigmes, trouver des codes pour ouvrir des cadenas, des portes, et avancer un peu plus loin dans le jeu.
Echappe-toi si tu peux
Notre but ? Sortir de la salle dans laquelle on nous a enfermés. Nous avons 60 minutes. Pas une de plus. Une heure fébrile et assez chaotique passe. Tout au long du jeu, le Game Master, qui nous observe par le biais de caméras et de micros, diffuse des indices quand le blocage dure trop longtemps.
Malgré tout, c’est l’échec. Cependant, nous sortons conquis par cette première expérience de Live Escape Room, le jeu d’évasion grandeur nature qui cartonne actuellement dans toute la France. Le principe, simple, est globalement le même dans tous les établissements : enfermée dans une pièce, une équipe de 2 à 6 joueurs a 60 minutes pour s’échapper en résolvant des énigmes grâce à des indices disséminés dans l’espace de jeu.
From Asia to Grenoble
Inspiré par des jeux d’évasion en ligne, le concept « live » s’est développé il y a 8 ans en Asie, puis en Hongrie, avant de toucher Londres et Paris il y a à peine plus de deux ans.
À Grenoble, Challenge The Room, le premier Live Escape Room de la région, a ouvert fin 2014 rue Très Cloîtres, avec deux univers. C’est un succès fulgurant. À peine un an après, les propriétaires, Vincent Baÿ et Daniel Moindrot, ouvrent trois nouvelles salles. « Sur Trip advisor, Challenge The Room arrive en tête des 85 activités commerciales de la rubrique des "choses à faire, à voir" à Grenoble, après tous les musées et autres téléphériques» se félicitent les deux gestionnaires.
Le succès fait des émules. Du coup, les projets, récents ou anciens, s’accélèrent : Live-escape, dans le centre historique, a ouvert en janvier 2016 avec une salle. Une deuxième est prévue pour février. Only The brain s’est lancé fin janvier 2016 à Eybens. Enfin Escape Arena prévoit l’ouverture de deux salles fin avril dans la petite halle du quartier Bouchayer-Viallet.
Les recettes du succès
Comment expliquer ce succès ? La nouveauté bien sûr, l’effet de mode sûrement, mais pour Grégoire et Jérémy, de Live-escape, il repose « sur le goût des gens pour les défis et le jeu. L’activité permet à tout le monde de se mettre en valeur par la résolution d’énigmes de toutes sortes. C’est aussi un jeu collectif et coopératif qui ne nécessite pas d’efforts physiques. »
Anne, Frédérique, Magali et Catherine ont tenté le Fantôme du Titanic à Live-escape. C’était une première. Débriefing de l’expérience : la ferveur des échanges dévoile le degré de satisfaction des participantes. « C’est assez stressant mais on se prend tout de suite au jeu. Ce qui nous a plu, c'est l’originalité, l’immersion dans un univers soigné, les nombreux défis qui nous sont proposés. Pas besoin d’être sportif ou habile. Il faut juste faire fonctionner sa tête et tous ses sens. On a envie de se mesurer à d’autres salles du coup. »
C’est le gros avantage du concept sur d’autres activités de loisirs : accessible dès 7/8 ans, les qualités requises pour jouer n’ont ni d’âges, ni de sexes et ne sont pas liées à la forme physique. Les équipes peuvent ainsi être mixtes et intergénérationnelles.
Des ambiances différentes
Cette nouvelle façon de s‘amuser n’a de limites que l’imagination des concepteurs de salles. Chacun son univers (lire notre encadré), son style, sa patte. Grégoire et Jérémy, de Live-escape, sont très attachés au scénario et à l’ambiance immersive de leur salle.
« Quand on a écrit Titanic, notre préoccupation était de justifier 3 questions : le temps disponible, les énigmes et pourquoi on est enfermés. Ces trois choses-là sont rarement présentes ». Grégoire, venant du jeu de rôle grandeur nature, a été très exigent sur l’ambiance du Fantôme du Titanic : les objets et décors sont tous d’époque, une bande-son et des effets visuels ont été ajoutés pour recréer l’ambiance du bateau.
Challenge the room mise sur l’originalité des univers et des énigmes pour se différencier.« Ce que vous voyez ailleurs, vous ne le verrez pas chez nous » assurent Vincent et Daniel. Plus value qui se retrouve aussi au niveau du game mastering avec différents niveaux d’assistance et de jeux proposés aux équipes.
Pour se distinguer de la concurrence, Thomas Masson de Only the Brain à Eybens ne voulait pas « tout axer sur les énigmes, le calcul, la réflexion pure et dure. Je mise aussi sur l’interactivité avec les nouvelles technologies telles que les tablettes. »
Loïc Bolzon, qui ouvrira Escape Arena au mois de mai, garde secret sa recette mais assure qu’elle sera unique en France. En outre, toutes les salles seront englobées dans une seule thématique : un centre d’entraînement pour agent de l’évasion. Sa promesse : une immersion forte avant même d’entrer dans une des salles.
Dans la peau des Experts
D’autres jeux immersifs font leur apparition depuis quelques mois et jouissent d’un succès grandissant. Leur nom : les enquêtes grandeur nature, ou murder party. Ce type de jeu a déjà quelques années mais, tout comme les jeux de rôle grandeur nature, il était jusque là peu populaire, surtout l’apanage de joueurs passionnés.
Aujourd’hui, la tendance a changé. “Un public de plus en plus large vient participer aux enquêtes que nous organisons” explique Elsa Delorme, de Mortelle Soirée. Elle propose une quarantaine de scénarios différents où, par équipe, les joueurs jouent les Experts d’un jour (avec la mallette de la police scientifique).
Ils se creusent les méninges et interrogent des témoins incarnés par des acteurs pour retrouver le coupable d’un meurtre. Les parties durent jusqu’à trois heures et ont lieu une fois par mois dans un restaurant lyonnais.
À Grenoble, des sociétés comme Takamaka ou Diverty events proposent aussi d’organiser des murder party. Elles sont réservées aux entreprises en mode séminaire d’entreprise ou « team building » mais un groupe constitué et prêt à payer le prix peut aussi bénéficier de leur savoir-faire.
Les jeux immersifs séduisent même pour des occasions particulières comme les enterrements de vie de jeunes filles ou les anniversaires. Un besoin de nouveauté constaté aussi par Valentin Gard, le fondateur de Mimesis à Lyon : “avec ces jeux immersifs, les participants viennent se faire des films pour de vrai !”.
Littéralement. Avec ses associés, ce cinéphile invétéré prépare des scénarios inspirés de classiques de cinéma comme The Game (David Fincher) où des équipes de trois à huit joueurs doivent, par exemple, enquêter pour désamorcer une bombe. Ici, le paquet est mis sur le réalisme avec des décors soignés et des accessoires très réalistes.
L’imagination des hommes étant sans limite et l’envie de s’amuser grandissante, les jeux d’immersion ont encore de beaux jours devant eux !
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