C'est inéluctable. Quand on pose la question des plus grandes régions brassicoles, un novice répond du tac au tac l’Alsace ou le Nord. Il n’a pas tout à fait tord. Grâce à leurs grands brasseurs industriels, ces deux régions trustent le podium depuis des années en matière de volume de bière produit (l’Alsace produit chaque année près de 60% du volume national soit 60 millions d’hectolitres).
Mais, comme dans un Asterix, la région Rhône-Alpes aussi joue les trouble-fêtes. Certes, avec 60 000 hectolitres annuels (1000 fois moins que l’Alsace !) Rhône-Alpes pèse peu mais depuis quelques années, elle se distingue par la vitalité de son secteur brassicole.
À tel point qu’elle compte le plus grand nombre de brasseurs de France : 107 très précisément selon le Lyon cervoise club qui recense chaque année les brasseries de la région.
HISTOIRE D'UN COME BACK
« La région et Lyon en particulier sont des terres de brasseurs depuis des décennies. Dans les années 1830, la ville comptait pas moins de 100 brasseries même si certaines ont été très éphémères », explique Jean-Pierre Mayoud, un tégestophile passionné et président depuis 20 ans du Lyon Cervoise Club.
L’association est la mémoire vivante de la bière locale et régionale. À tel point qu’elle a édité en 2008 le livre Brasseurs lyonnais qui, à grand renfort de documents d’époque, fait l’historique de la brasserie à Lyon.
Après une période de désamour, la bière revient en force dans le cœur et les gorges des consommateurs. Avec +2,8% d’augmentation en France en 2014, la consommation de mousse revient à des niveaux proches de 2012.
Cela dit, la manière de consommer a évolué. « La bière a réussi à se débarrasser de son image parfois ringarde associée souvent aux matchs de foot », lance Petrus Collin, le fondateur en 2009 de la brasserie bio des Mont d’Or.
LOCAVORE
Redevenue tendance, la bière s’affiche aujourd’hui comme un produit synonyme de qualité et d’engagement pour les novices, les curieux et les connaisseurs. « Aujourd’hui, on parle de la bière comme d’un vin. Les consommateurs ne veulent plus de bières industrielles, ils cherchent des goûts différents et de l’authenticité », explique David Hubert, responsable de la brasserie Ninkasi et actuel président de l’Association des brasseurs indépendants en Rhône-Alpes (BIERA).
Aujourd’hui, on assiste même à l’apparition de lieux entièrement consacrés aux productions locales. Parmi ceux qui ont le nez creux, Alfredo Valente a créé Chope de Lug en 2011, la seule boutique lyonnaise entièrement consacrée aux brasseurs de la région avec pas moins de 50 brasseries référencées.
Pour lui, c’est sûr, « les bières de soif n’ont plus la cote en ce moment. Les consommateurs veulent du goût, d’où le succès des brasseurs régionaux car ils proposent des bières avec des saveurs très différentes les unes des autres. ».
L’éclosion des brasseurs locaux est bien évidemment soutenue par la grande tendance locavore qui prône une consommation de produits locaux pour limiter la pollution et favoriser le tissu économique locale. D’ailleurs, la majorité des brasseurs de la région commercialisent rarement leurs mousses au-delà de l’échelon régional (pour des raisons de coûts principalement). « Je ne pensais pas que la bière artisanale allait susciter un engouement il y a deux ans », témoigne Alfredo de la Chope de Lug.
Pourtant, en deux ans, de nouveaux lieux branchés n’hésitent plus à mettre la bière au cœur de leur concept. Outre les historiques Brasserie Georges ou le Ninkasi, il convient de citer le très en vogue Bieristan (Villeurbanne), la Fourmillière (Lyon 7 e) ou encore le Court-Circuit (Lyon 7e). « Même les bars qui ne proposaient pas de bières locales s’y mettent. On retrouve régulièrement une ou deux références régionales sur les cartes de plus en plus de restaurants » témoigne Jean-Pierre Mayoud.
Pour les gourmands, la bière s’invite aussi dans les assiettes ! Le brasseur Ninkasi s’est engouffré depuis quelques années dans cette brèche avec le Silo (Lyon 7 e), son restaurant propose une cuisine « d’inspiration brassicole » avec des plats à base de bière ou de houblon. « Le restaurant L’Art et la Manière propose aussi des accords mets et bière depuis peu » glisse Petrus Collin.
ET LA CULTURE ?
Jouant la carte de la relocalisation à fond, les brasseurs de la région sont de plus en plus nombreux à vouloir cultiver eux-mêmes leurs céréales pour ensuite les transformer en malt.
C’est notamment le cas de Petrus Collin qui produit à Poleymieux-au-Mont-d’or un peu de houblon pour l’une de ses bières bio. « Cela est possible car le houblon est minoritaire dans l’élaboration de la bière, j’ai donc besoin de peu de terres agricoles » confie-t-il.
Dans la Drôme, la Brasserie des Trois Becs va elle aussi produire son propre houblon.
« Maintenant, il nous reste à explorer des pistes pour cultiver notre propre orge » souhaite David Hubert de BIERA.
La bière locale est encore loin de trinquer en Rhône-Alpes.
Crédits photo : NinkasiInfos pratiques
> LYON CERVOISE CLUB
www.lyoncervoiseclub.wordpress.com
> FÊTE DE LA BIÈRE TARARE 3 & 4 octobre
30 brasseurs
Marché de producteurs
Exposition sur la bière
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> UN DERNIER TUYAU
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