La ville est un immense terrain de jeu pour les créatifs assoiffés de bombes, et Grenoble avec ses murs tout moches est tout indiqué pour laisser le street art l’envahir. À chaque coin de rues, n’ayons pas peur des mots, un graffiti nous observe. Et si l’on s’égare le long des quais de l’Isère, c’est carrément une fresque aussi longue que les cornes du Dahu qui explose sous nos yeux. La visite urbaine n’a jamais si bien porté son nom.
Au commencement de l'an 1980, le monde est éclaboussé par l'explosion du graffiti, cet art de rue connu de tous, sans l'être vraiment. Petit cours de rattrapage : dix ans plus tôt, le Bronx se transforme en terrain de jeu pour les amoureux de la peinture et de l'adrénaline.
Car, oui, à la base le street art est un art urbain illégal et éphémère, dont l'enjeu réside en la réalisation d'un dessin dans l'urgence puisque interdit. Petit à petit, c'est toute la ville qui se fait refaire le portrait : wagons de métro, façades, devantures de magasin.
Graffiti, pochoirs, stickers, posters sont autant de manifestations de ce mouvement artistique contemporain injecté dans l'espace public, considéré au départ comme un acte de vandalisme et aujourd'hui vulgarisé à outrance. Mais attention, tout ce qui se passe dans la rue n'est pas forcément du street art. Pour s'y apparenter, le graffiti doit émaner d'une démarche artistique, soit au niveau du style, soit du message.
Devenant la voix de la masse, cette façon de s'exprimer a connu une évolution radicale en seulement trente ans, et l'adrénaline a laissé place pour certains au plaisir de graffer presque légalement, dans des endroits spécifiques.
L'éphémère de l'Isère
Et cet endroit à Grenoble, c'est le long des quais droits de l'Isère, après la Porte de France. Pour cette balade urbaine, deux choix s’offrent au promeneur : y aller un soir de semaine afin de ressentir l’adrénaline du street art, car campement clandestin et personnages suspicieux seront sur le chemin, ou s’y rendre un samedi après-midi ensoleillé et profiter de « l’ambiance collégiale, amicale des quais » dixit Madame Bert, graffeur valentinois mais pas que.
Derrière ce nom se cache un artiste aux multiples talents, de la musique au dessin en passant par l’art de rue. « J’habite à Valence, mais je viens à Grenoble pour occasionnellement graffer le long des quais. Ma dernière venue c’était pour l’anniversaire du street artist Votour, qui a invité tout le monde à réaliser une fresque avec des oiseaux ». C’est dans cette atmosphère « bon enfant » que désormais les graffeurs se retrouvent le week-end pour peindre ensemble, en famille, se rencontrer et parler, pour découvrir chaque semaine de nouvelles productions.
Et à savoir si cette pratique au bord de l’Isère est réellement autorisée, Madame Bert nous répond : « ce n’est pas vraiment légal, mais les municipalités le tolèrent, elles préfèrent qu’il y ait des terrains de graffiti et de murs d’expression exprès pour le street art plutôt que le tag déborde dans toute la ville ».
Surcouche animale
Et question débordement, le moins que l’on puisse dire c’est que depuis quelque temps, les quais de l’Isère se sont transformés en véritable vitrine à rapaces afin de célébrer l’anniversaire du grand Votour, graffeur grenoblois. Pour l’occasion, Madame Bert s’est inspiré de la BD polar animalière Black Sad dans laquelle un personnage l’a séduit.
C’est ainsi qu’au prix d’une marche éreintante de 15 minutes, on découvre un énorme flamand rose, habillé tel un gangster et bien sûr muni d’un revolver. Les couleurs sont éclatantes et la personnification saisissante. Autre oiseau, autre style, autre graffeur : le corbeau gentleman aux griffes acérées réalisé par LKS1. Dans son apparat rouge, le volatile a plus de classe qu’on n’en aura jamais.
Dernier hommage repéré par nos soins, une créature hybride entre le paon et le dindon, dont le plumage tricolore envahit l’espace, duquel émerge la tête bleue de l’animal. Énième dédicace à Votour, les oiseaux n’en finissent plus de pousser tels des champignons et de disparaître la nuit venue.
Alors ne trainez plus, et allez plutôt flâner du côté de l’Isère pour admirer cet art de la rue. Infos pratiques Sur
Infos pratiques
Facebook : Street art in Grenoble
Attention, les œuvres citées dans l’article peuvent avoir été recouvertes par des créations plus récentes.
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