Ingénieur-projet dans l’industrie, le Grenoblois Éric Tasset, 50 ans, est par ailleurs passionné d’histoire et de patrimoine. Il est l’auteur de plusieurs romans pour ados mêlant science-fiction et histoire réelle, mais aussi d’ouvrages sur les châteaux de l’Isère et sur les contes et légendes du Dauphiné.
Comment vous êtes-vous intéressé aux contes et légendes du Dauphiné ?
J’ai toujours aimé les contes de manière générale, mais j’y suis vraiment venu par l’intermédiaire des châteaux forts. A partir de 1994, afin de préparer un ouvrage sur les châteaux forts en Isère – que je souhaitais écrire parce qu’il n’y avait aucune publication sur le sujet – j’ai été amené à en visiter quelques-uns, et à rencontrer des propriétaires ou leurs descendants. Ces interlocuteurs me répondaient surtout sur des faits légendaires, plutôt qu’historiques. Exemple typique : les souterrains des châteaux. On s’imagine souvent qu’il s’agit de passages secrets pour relier un château à un autre, qu’ils sont creusés sur plusieurs centaines de mètres… alors qu’en réalité ce sont des pièces ou galeries dépassant rarement une trentaine de mètres, qui ont été aménagées sous terre pour y stocker les réserves d’eau ou servir de glacière. Toujours est-il que j’ai glané de nombreuses légendes au fil de ces visites. Je me suis dit qu’il pourrait être intéressant de les regrouper dans des livres.
Quel est l’intérêt de la légende ?
Contrairement au conte, qui est totalement imaginaire, la légende a généralement une part de vérité. Elle constitue un excellent point de départ pour s’intéresser à l’histoire véritable. Il y a avec la légende un côté ludique, moins austère que l’histoire pure, du coup les gens sont plus réceptifs. On a souvent tendance à oublier le patrimoine architectural lorsqu’il tombe en ruine, en revanche la légende perdure dans l’imaginaire collectif. Pour revenir aux châteaux forts, il faut savoir que l’Isère en compte plus de 130, soit bien davantage qu’en Dordogne pourtant nettement plus réputée en la matière. Mais comme l’Isère était assez pauvre, il s’agissait souvent de petits châteaux, guère spectaculaires. Les légendes peuvent ici permettre de (re)découvrir ce riche patrimoine architectural.
Les légendes sont pourtant parfois très éloignées de la réalité…
Oui. Par exemple, de nombreux méfaits, commis au Xe siècle à travers le Dauphiné, ont été imputés à tort aux Sarrasins, qui n’ont pourtant jamais mis les pieds chez nous ! Mais à l’époque, l’Europe chrétienne était en croisade contre les « infidèles ». On s’imagina donc qu’il s’agissait des Maures, établis à la Garde-Freinet dans le Var. En réalité, ce sont des pillards qui ont su tirer profit de l’anarchie ambiante pour commettre leurs larcins. Parmi ces pillards, il y avait notamment une troupe de cavaliers hongrois, appelés les Hongres, qui ont tellement marqué les esprits qu’ils sont devenus les ogres mangeurs d’enfants de nos contes traditionnels. Après, il faut partir de la légende pour s’intéresser à l’histoire véritable, mais, dans un deuxième temps, tâcher de démêler le vrai du faux.
Vos romans de la série « Thomas Passe-Mondes » (dont le tome 8, « Ancyre », sortira en décembre 2014) s’inspirent-ils aussi des légendes ?
Il s’agit d’ouvrages à la croisée de la science-fiction, de la fantaisie et du roman historique, qui s’adressent principalement aux 10-16 ans, même s’il y a un tiers d’adultes parmi mes lecteurs. Le personnage principal est un adolescent qui vit à Sassenage. Pour lui faire vivre ses aventures, je m’inspire de l’histoire réelle (du Dauphiné au départ, avec quelques épisodes historiques, puis du monde entier), et je fais des allers-retours entre notre région, notre époque et des mondes parallèles.
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