Chaque jeudi aux alentours de 19h, c'est le même rituel. Quelques dizaines de cyclistes s'agglutinent petit à petit autour de la fontaine Bartoldi sur la place des Terreaux. La raison de ce rendez-vous hebdomadaire : la traditionnelle balade urbaine à travers les rues de Lyon. Dans cette étrange transhumance, on retrouve des propriétaires de VTT, de vélos de route ou encore de vélos de ville. Mais, depuis quelques années, des cyclistes d'un nouveau genre viennent grossir les rangs de ce joyeux peloton : les amateurs de vélos à pignon fixe, ou fixie pour les connaisseurs.
Le fixie c’est quoi ? Concrètement, c’est un vélo dont le pignon de la roue arrière, ordinairement monté en roue libre, est monté sans roue libre, c’est-à-dire que la roue arrière est solidaire au pignon. Plus simplement, quand vous pédalez en avant ou en arrière, votre roue tourne dans le sens de pédalage.
RETOUR AUX SOURCES
Apparu il y a un peu moins de cinq ans à Lyon après avoir conquis des capitales européennes comme Berlin ou Paris, le fixie est réellement en train de sortir de l'escarcelle des connaisseurs pour séduire toutes les couches de la population. Une tendance tout droit venue des Etats-Unis et du Canada où, dans les années 90, les coursiers ont troqué leurs vélos à dérailleur contre des fixie.
Avec leur mécanique simple, les pignons fixes avaient l'avantage de se bricoler facilement et à peu de frais et, du fait de leur simplicité, ces vélos intéressaient beaucoup moins les voleurs. Le principe du pignon fixe n'est pourtant pas une nouveauté puisque les premiers coureurs du Tour de France le pratiquaient déjà. Aujourd’hui encore, certains coureurs s'entraînent toujours avec ce type de bicyclettes notamment pendant la période hivernale.
“Faire corps avec son vélo”, c’est l’une des phrases qui ressort le plus souvent dans la bouche des amateurs de fixie. En effet, après expérience, on peut vous dire que monter sur un fixie pour la première fois, c’est comme si on réapprenait à pédaler car on croit que le vélo dispose d’une roue libre. Il suffit de quelques coups de pédalier pour constater le contraire et voir ses jambes entraînées par l’inertie du vélo. Après avoir goûté aux balades en fixie, certains ne conçoivent même pas revenir à un vélo doté d’une roue libre.
Mais pour expliquer l'explosion du nombre de fixie à Lyon, il faut aussi comprendre que la mentalité des Lyonnais vis-à-vis du vélo a énormément évolué en quelques années. « Des initiatives comme le Velo'v ont permis de remettre la population au guidon d'un vélo et maintenant certains cyclistes veulent leur propre monture. Le fixie est le vélo idéal pour la ville : léger, facile à réparer et à entretenir », décrypte Nicolas Marchi, un ancien bijoutier reconverti dans la fabrication et la customisation de vélos à pignon fixe sous la marque de Dead is Hype.
Un point de vue amplement partagé par Jean- Baptiste Gautier, photographe et co-organisateur du festival Roulez Jeunesse (voir encadré) : “le développement du fixie est une excellente nouvelle pour la pratique du vélo à Lyon que l’on se procure ce type de vélo pour être à la mode ou non. Si des quadras se remettent au vélo parce qu’ils veulent être branchés, tant mieux, l’essentiel est qu’ils remontent en selle.”
PIMP MY BIKE
Après un rapide tour chez les « rouleurs » équipés de fixie, on se rend vite compte que le mythe du coursier made in America a laissé la place à un autre aspect de la culture fixie : la customisation. Parmi tous les cyclistes interrogés pour ce Grand Format, vieux de la vieille comme néophytes, la plupart d'entre eux le concèdent : ils aiment avoir leur vélo rien qu’à eux.
“Le fixie, c’est le culte de la customisation à outrance. Collectionneur de casquettes et de baskets, j’ai monté plusieurs vélos pour que leur design et leur couleur s’adapte à mes tenues”, concède Florent Vernay, responsable du site lyonnais urban-fixie.com.
La grande force du fixie réside dans sa simplicité mécanique qui permet d’imaginer des combinaisons infinies de cadres, roues, chaînes, guidons, pneus… “Pour certains clients, c’est une véritable drogue. Ils commencent doucement en achetant un cadre, ou en en récupérant un puis, petit à petit, ils ajoutent des accessoires, en changent pour faire un vélo qui leur ressemble. Je vends très rarement des vélos entiers”, ajoute Fabio Abrami, le propiétaire de la boutique Arte Cycle très connue des propriétaires de fixie.
Côté budget, se mettre au fixie ne coûte pas nécessairement une somme astronomique. Nombreux sont les cyclistes qui écument les brocantes et les petites annonces sur internet en quête de pièces peu chères. Avec de l’huile de coude, quelques connaissances en mécanique et un peu de temps, un premier fixie peut coûter moins de 200€.
“Mon premier fixie était un Gitane de mon arrière-grand-père que j’ai nettoyé, repeint et personnalisé”, illustre Florent Vernay. Surfant sur la mode de la récupération, des professionnels comme Nicolas Marchi ont fait du vintage leur marque de fabrique. Ce dernier chine chaque semaine à la recherche de pièces rares pour les réparer, les nettoyer et les proposer à des clients accros au style rétro. “Parfois, certains clients poussent le vice jusqu’à venir me demander des pièces qui n’existent plus depuis des années”, ajoute-t-il.
COMMUNAUTÉ
Avec un nombre grandissant de pratiquants, une communauté lyonnaise est en train de réellement émerger autour du fixie. Dans le monde virtuel d’abord avec de plus en plus de sites, de blogs, de pages Facebook qui se consacrent à ce phénomène. Mais aussi et surtout dans la vraie vie.
Des groupes de rouleurs, qu’on appelle des crews, se sont même créés. “Depuis un an et demi, nous sommes une vingtaine de membres à se réunir régulièrement pour partir en balades, discuter vélo, échanger des bons plans ou du matériel”, explique Clément, 21 ans et membre du crew Les Animaux. De nombreuses activités particulières ont vu le jour ces derniers mois grâce à ce crew.
Depuis 2012, Les Animaux organisent notamment deux fois par an des “alley cat”. Derrière ce nom, lui aussi tout droit venu des Etats-Unis, se cache une course d’orientation inspirée du quotidien des coursiers à vélo. “On nous donne une liste d’adresses comme autant de checkpoints. L’idée est de trouver l’itinéraire le plus court pour terminer la course en passant obligatoirement par ces points de passage. C’est une façon ludique et sportive de découvrir ou redécouvrir la ville”, décrit Clément.
À chaque nouvelle édition, de plus en plus de monde participe à ces courses de costauds de 50 à 60 km sur deux ou trois heures. Seul hic, la pratique est officieuse, il faut donc garder l’oeil ouvert sur les différents forums sur le web pour connaître les dates des prochaines éditions.
D’autres pratiques émergent avec le fixie. Parmi elles, on citera les concours de skid qui consistent à bloquer la roue arrière de son vélo en rétro-pédalant et déraper sur la plus longue distance. Le track-stand, lui, tient plus de l'acrobatie qu’autre chose. Son principe : tenir en équilibre sur son vélo le plus longtemps. Les meilleurs dans ce domaine ne posent même plus les pieds au sol au feu rouge.
Reste plus qu’à enchaîner les tours de roues pour atteindre le niveau d’un maestro du macadam.
Crédits photo : JBG pour Roulez jeunesseInfos pratiques
> SUR INTERNET
• Pour être au courant et participer à la traditionnelle balade du jeudi
Le Groupe Facebook Rolage/Posage de Lyon
• Un des forums de référence sur les fixie
www.pignonfixe.com
• Un webzine uniquement dédié à l'univers du pignon fixe et du single speed
www.fixie-singlespeed.com
• Un site pour acheter des pièces ou imaginer la configuration de son propre fixie
www.urban-fixie.com
• L'atelier de Nicolas Marchi, l'orfèvre du fixie
www.deadishype.fr
> LES BOUTIQUES
• Arte Cycle
18 Rue Servient, 69003 Lyon
09 61 30 37 25
www.artecycles.fr
• Lyon Cycle Chic
74 Rue Salomon Reinach, 69007 Lyon
04 72 70 34 61
www.lyoncyclechic.com
• La Bicycletterie
16 Rue Romarin, 69001 Lyon
04 37 92 04 96
www.la-bicycletterie.com
> OÙ (APPRENDRE À) BRICOLER ?
• Le Recycleur
10 Rue Saint-Polycarpe, 69001 Lyon
04 72 00 23 57
www.le-recycleur.fr
• L'atelier du Chat Perché
32 Rue Montesquieu, 69007 Lyon
http://ateliervelo.free.fr
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