Que fait donc le clocher de la Charité seul au centre de la place Antonin-Poncet ? Il s'agit en réalité du dernier vestige de l'hôpital de la Charité, détruit au début du XXe siècle et qui recouvrait alors une bonne partie de la presqu'île.
Au centre de la place Antonin-Poncet, trône le clocher de la Charité. Tout seul, comme orphelin. Orphelin, il l'est un peu. Car en 1934, il a été dépossédé du bâtiment immense auquel il appartenait : l'hôpital de la Charité. La rue de la Charité n'est donc pas un de ces hasards toponymiques dont les villes sont fécondes. Un hôpital accueillant Avant toute chose, penchons-nous sur l'étymologie du terme « hôpital »: celui-ci vient du latin hospitalis, « hospitalier ». Si l'on va dans les premiers avec plus d'entrain que dans les seconds, « hôtel » et « hôpital » ont néanmoins la même racine. Étrangeté ? Pas vraiment quand on sait qu'au Moyen âge, les hôpitaux sont en réalité des établissements charitables, qui accueillent des gens sans ressources pour les entretenir et, si besoin est, les soigner. A l'époque, l'hôpital est donc plus un asile pour les plus démunis qu'un lieu médicalisé. Celui de la Charité remonte au XVIe siècle lorsque, pour venir en aide aux populations chassées de la campagne par une terrible famine, est créée l'Aumône générale, destinée à « nourrir à perpétuité les pauvres de la ville. » Il faudra cependant un siècle pour que se construise un bâtiment d'accueil, précisément jusqu'à l'an 1617, au cours duquel est posée la première pierre d'un vaste ensemble composé de quatorze corps de bâtiments reliés par neuf cours. Le clocher originellement accroché à la chapelle de l'hôpital montrant rapidement des signes de faiblesse, on le remplace en 1666 par le clocher octogonal encore présent aujourd'hui, construit selon les plans du fameux architecte italien Lorenzo Bernini, dit Le Bernin, (on lui doit notamment le baldaquin de la basilique Saint-Pierre-de-Rome) de passage à Lyon. Vive la reconversion ! Le lieu est d'abord un refuge pour les déshérités mais Lyon étant particulièrement sujette aux épidémies, il devient un « hôpital général ». Arrive alors la Révolution... La suppression de l'octroi est un drame pour les finances de la Charité. D'où la décision de réunir les administrations de la Charité et de l'Hôtel-Dieu et d'ainsi donner naissance en 1802 aux Hospices civils de Lyon. La Charité devient un « hospice des vieillards et orphelins » et ses activités médicales sont désormais réservées aux femmes et aux enfants. Le XIXe siècle voit la structure, surpeuplée et mal entretenue, se détériorer progressivement. Au début du XXe siècle Édouard Herriot, maire de Lyon connu pour son intérêt pour l'hygiénisme, se prend à rêver de la destruction de l'Hôtel-Dieu afin de construire un nouvel hôpital plus éloigné du centre-ville, dans le quartier de Grange-Blanche. L'administration des Beaux-arts l'en empêche en vantant les qualités architecturales des bâtiments. Edouard Herriot se rabat sur la Charité et son architecture plus austère. Mais les Lyonnais s'émouvant de la destruction de l'hôpital on décida de conserver, symboliquement, le clocher de la Charité. Sonne la cloche Quand on rentre dans le Café de la Cloche, basé au 4 rue de la Charité, l'évidence nous saisit : si ce sympathique café se nomme ainsi, c'est que son propriétaire les collectionne D'ailleurs, il y en a un peu partout à l'intérieur. Raté, c'est à une cloche bien bien spécifique que le lieu doit son cachet. Du temps où la France était décimée par les famines, les épidémies et la misère, les abandons d'enfants à même la rue ou sur le pas d'une porte étaient fréquents. Or, l'une des missions de l'hôpital de la Charité étant justement d'accueillir ces enfants abandonnés, il fut érigé dès 1804, pour faciliter l'accomplissement de cette tâche, un « tour » sur la façade donnant rue de la Charité. Il s'agit en réalité d'un cylindre en bois, convexe d'un côté, concave de l'autre, qui tourne sur lui-même et dans lequel la mère peut déposer son enfant en tout anonymat. Elle active alors une cloche (la fameuse !) qui prévient les sœurs hospitalières de l'abandon. En 1833, on est bien obligé d'admettre les limites de ce système qui certes promet à la mère une discrétion parfaite mais engendre un taux de mortalité des nouveau-nés important: sur mille enfants abandonnés dans le « tour », deux cent soixante-dix périssent avant d'être secourus. Le tour est alors abandonné au profit d'un « Bureau ouvert des abandons ». Le « tour » démonté et conservé est désormais visible au musée des Hospices civils, situé dans les bâtiments de l'Hôtel-Dieu.Crédits photo : Marie SignoretInfos pratiques
Clocher de la Charité, place Antonin-Poncet, Lyon 2 Café de la Cloche, 4 rue de la Charité, Lyon 2
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